1964
7.3
1964

Album de Miossec (2004)

On ne pourra jamais reprocher à Christophe Miossec de ne pas chanter avec son coeur, fût-il crevé. Et si d'aucuns finissent par se lasser de son phrasé hoquetant, de sa gorge tabagique et de son lexique basique (Essayons, en pilotage automatique), difficile de ne pas considérer le Brestois comme le chanteur le plus touchant de l'époque. Dans son haleine chargée comme un énième lendemain de cuite, ses maux bleus résonnent avec une telle intensité qu'il est impossible d'y rester insensible. À l'heure de solder les comptes du passé - cap de la quarantaine oblige, comme l'affiche clairement l'année de naissance du titre -, Miossec paie son tribut à sa ville natale (Brest, peut-être son plus gros tube potentiel à ce jour), son amour perdu (l'inattendu single Je M'En Vais, le poignant Ta Chair Ma Chère, magnifié par les métaphores maritimes du texte), tout en multipliant les interrogations existentielles (Rester En Vie, En Quarantaine, avec Édith Fambuena en choriste de luxe). Fidèle à sa versatilité, Miossec s'est trouvé un nouvel alter ego en la personne de Jean-Louis Piérot, qui officie ici en tant que claviériste et producteur. Chargé d'assembler sur quelques chansons (Désolé Pour La Poussière, l'immense Dégueulasse, Pentecôte, etc.) les parties symphoniques enregistrées avec l'Orchestre lyrique de région Provence, l'ancien Valentin réussit le pari de ne jamais altérer la cohérence musicale de l'album, cinquième du nom et quintessence imparable d'un incomparable quadragénaire breton en prise avec ses démons. À consommer sans modération.


L'été dernier, Christophe Miossec était invité à arranger les chansons de ses quatre premiers albums pour une série de concerts avec l'Orchestre lyrique de Région Avignon Provence. Une œuvre de commande qui allait vite devenir un projet de cinquième album : Miossec, en repos du guerrier, préférera alors expérimenter sur de nouvelles chansons plutôt que de ravaler les anciennes. Pour le Brestois, le prétexte est trop beau pour à nouveau travailler avec l'arrangeur Joseph Racaille, détourneur d'orchestres symphoniques derrière Découflé, Bashung ou Thomas Fersen. Les chanson de Miossec, composées sur un doigt et quasiment autant de cordes de guitare, se retrouveront ainsi amplifiés, dégondées par quarante-cinq musiciens, perplexes face aux partitions insensées de Racaille, griffonnées furieusement, comme les chansons, en quelques semaines. Loin des violonnades sages et nouveaux riches d'une bonne partie de la chanson française, Joseph Racaille a fait souffler la tempête dans les chansons de Miossec, repoussant au loin les nuages noirs, les discours interminables. Nettement moins bavard, la bile plus habile, Miossec a ainsi pu, pour la première fois depuis son premier album Boire, retrouver une équilibre digne entre ses mots et sa musique, la grande négligée d'une partie de sa discographie. Un équilibre surtout rendu possible par la stabilité et l'humilité d'un nouveau groupe où scintillent désormais les guitares de Jean-Louis Piérot, amoureux de la ligne claire et des rôles d'ombre, des Valentins à Etienne Daho. C'est à partir de ce matériau noble d'Avignon, désarrangé, découpé et retravaillé, que le groupe a commencé d'enregistrer 1964. Qui, comme son nom l'indique, propose un bilan de Miossec à l'approche de la quarantaine rugissante. Et comme chez Nick Hornby ou Dupuy & Berberian, il dresse ici, avec fureur et dérision, l'inventaire du mâle blanc occidental à la mi-temps de sa vie. Tendre et amoché, sorti des carnages mais pas indemme de rechutes, Miossec a donc 40 ans. Mais encore toutes ses dents, pour rire jaune, mordre la vie et faire fuir la raison, épouvantée. Car si les mélodies, nettement plus accueillantes et ouvertes que dans le passé donnent à l'ensemble une impression de sérénité, le verbe se fait plus rare, mais aussi plus tartare. (Inrocks)
On allait l'abandonner le Breton, le laisser glaner sa récolte auprès de Johnny, Jane et consorts. On avait bu et baisé avec lui, mais on l'avait laissé brûler et se faire prendre. Perdu qu'il était alors dans ses effets, trop grands pour lui. Ca lui tombait aux chevilles du coup. Et au bord de la lassitude, avec un "Je m'en vais" en single qui nous faisait répondre "Moi aussi, je me casse, je t'abandonne, tu n'as plus rien à m'apporter", on a quand même jeté une oreille sur sa crise de la quarantaine. Et putain, on a honte ! D'abord, parce qu'un morceau comme "Dégueulasse" y en a un tous les trois ans. Que pour la taille au-dessus on ne connait que "So Slow" de Sophia (soit l'un du top five de ma Nick Hornby list). Que quarante ans, c'est dans pas si longtemps finalement (enfin dans quatre albums de Miossec quand même !), et qu'on ne serait pas malheureux d'avoir sa classe alors. Qu'il retrouve là une écriture qu'il avait (je persiste) égarée, ou qui l'avait égaré - va savoir ? Que les mots sont là, mais les musiques également. Aussi simples qu'ambitieuses. Enfin, qu'après lui avoir reproché de perpétuellement creuser les mêmes sillons, on doit admettre que la mauvaise herbe, de guerre lasse, s'en est allée. Album serein et indolent "1964" est à ce jour le meilleur contrepoids à un "Boire" fougueux et rageur. Et pourtant tous deux sont de tripes et de sang. De défaites et de désirs. D'absences et liens. Les poses se sont barrées pour laisser à nouveau place au bonhomme. Bonhomme, dont on se sent proche, ami ou gueule cassée. Alors Christophe, "Désolé pour la poussière" dans mon cerveau. Et merci pour le coup de chiffon. (Popnews)
Miossec a 40 ans. Certains, pour passer le cap, font une psychothérapie, lui, il fait un disque. 1964, c’est son année de naissance. A un retournement près, on obtient 1664. Après les albums « Boire » et « baiser », ça se tient. En plus du titre de l’album, Miossec nous fait part de ses angoisses avec « En quarantaine » : « en quarantaine, en quarantaine bien sonnée, on a désormais l’âge du capitaine, de ses artères, de ses amours, de ses regrets »… « Rester en vie » traduit ces mêmes appréhensions face à la vie qui se déroule sans nous demander notre avis.On retrouvera dans les différents titres de cet album ce thème cher au brestois : les relations avec les femmes, le plus souvent vouées à l’échec. « Je m’en vais », « Désolé pour la poussière », « Pentecôte », sont autant de constatations de fiascos, où Miossec ne se donne pas vraiment le beau rôle, d’ailleurs. Dans ce lot de textes traduisant une âme hypersensible, souvent taillée à la machette, on trouvera un texte que l’on devine encore plus personnel, et qui laisse une sorte de malaise à l’écoute, celui de « Dégueulasse ». Dans ce texte Miossec crie son refus son refus face à un événement qu’il semble ne pas comprendre ; un texte chargé d’émotion. Côté mélodies, il s’est entouré de l’orchestre lyrique de la région Avignon-Provence pour 4 titres de l’album. Il ressort de cette collaboration des musiques riches et pleines. Cette qualité dans les arrangements se retrouve aussi sur les autres titres, parfois plus électriques, qui ont souvent ce petit quelque chose en plus, qui fait d’une chanson une très bonne chanson. Il faut également noter la présence vocale d’Edith Fambuena (qui fait partie des Valentins, avec Jean-Louis Piérot, et qui a par ailleurs collaboré avec Daho).Sur cet album, Miossec nous montre, si cela était nécessaire, qu’il est possible de faire de la chanson française avec des mélodies et des arrangements splendides, sur des textes forts et poignants. (liability)
bisca
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le 5 avr. 2022

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