On est le 22 Août 1989 et ce jour là, deux anciennes gloires des sixties ont décidé de sortir leur album de réunion. Jefferson Airplane à ma droite, Ten Years After à ma gauche. Je vous spoil tout de suite, Jefferson Airplane s'est lamentablement ramassé en chiant allègrement sur leur héritage sans trop se retenir. Qu'en est-il de Ten Years After ?
Quinze ans après Positive Vibrations (un album correct en deçà des précédents efforts du groupe), Alvin Lee accepte enfin de reformer le quatuor qui l'a rendu célèbre (ou l'inverse). Forcément, quand on a passé sa vie à jouer du blues/rock, arrivé à la fin des années 80 on peut se sentir dépassé. Alors Ten Years After ouvre le bal avec un "Highway of Love" bien kitsch, la disto enclenchée, le synthé scintillant présent et le refrain bien radiophonique en place. Alors certes c'est un peu ridicule, et on retrouvera la même combinaison plusieurs fois dans l'album ("Victim of Circumstance", "Saturday Night", "Waiting for the Judgement Day"), mais malgré cette direction plus grand public, ces morceaux groovent et font taper du pied. Aussi, les solos du père Lee restent imparables même s'il a maintenant tendance à abuser des harmoniques artificielles à la Billy Gibbons. ZZ Top justement est clairement l'influence principale ici niveau arrangement et production. Si vous n'êtes pas hermétique à des titres comme "Sharp Dressed Man" ou "Give Me All Your Lovin'", alors About Time ne devrait pas vous rebuter.
Le quatuor va entrecouper tout ça avec des morceaux plus personnels, à l'ancienne, où on sent le groupe se faire plaisir (l'agréable boogie/blues "I Get All Shook Up" ; "Going to Chicago" et "Working in a Parking Lot" qui bénéficient toutes deux du traitement rock années 80 mais qui n'ont pas à pâlir devant les meilleurs titres rock du groupe au début des années 70).
Évidemment, je regretterai quand même certaines occurrences de synthés/clavier pas toujours très judicieuses comme sur "Bad Blood" qui peine à m'emporter même si Alvin Lee donne absolument tout à la voix comme à la gratte. Je regrette aussi le manque de moment plus intimistes folk ou jazzy que le groupe savait nous distiller relativement habilement dans Rock'n'Roll Music to the World ou A Space in Time, ce qui redonnait un peu de finesse à l'ensemble. Le seul morceau low tempo ici étant "Outside My Window", un blues mineur assez quelconque maquillé en pop à la Dire Straits. Enfin, je regrette surtout "Wild Is the River", morceau très caricatural du rock américain, qui arrive heureusement assez tard dans l'album pour ne pas trop gâcher l'écoute.
Au final, About Time, malgré ses nombreux défauts et son absence de subtilités, est finalement un album assez réussi, un fait rare (donc remarquable) pour un album de réunion. Il est évident que je m'attendais à bien pire, d'où mon approbation générale. Il est certain que About Time ne resterai pas dans les annales du blues/rock, mais à la différence de Jefferson Airplane, Ten Years After livre un album respectueux de l'histoire du groupe et loin de l’entacher de surcroit.