Asphalt for Eden
6.9
Asphalt for Eden

Album de Dälek (2016)

C’est lorsque j’ai vu Dälek, il y a plus d’un an, dans une minuscule salle de concert (semblable à un squat) que j’ai compris à quel point ce groupe était à part dans le hip-hop.
Dans sa prestation déjà. D’une intensité capable de rivaliser avec la violence de certains combos de noise rock, de punk ou de metal. Que ce soit dans l'interprétation vocale de MC dälek, dont le flow transmet parfaitement la rage sans qu’il ait besoin de crier, et dans la puissance assourdissante de ses collègues aux platines. Même si ça peut paraître "petite nature" d’utiliser des bouchons pour les oreilles aujourd’hui (si vous cherchez à tout prix à avoir des acouphènes, c’est votre problème), s’il y a bien une formation qu’il faut absolument voir sur scène avec des protections, c’est bien Dälek.
L’autre détail démontrant à quel point ils sont dans une autre sphère dans la catégorie rap, c’était leur public. Goth, metalleux, fans d’indus, hipsters… On a parfois plus l’impression d’être dans un concert de metal que de hip-hop.


Tout cela est justifié. Ils sont réellement à part tout comme l’était une de leurs principales influences : Public Enemy. Un hip-hop capable de fédérer les publics rap, rock et électro. Tout en étant enrobé, en plus, d’une noirceur et d’un aspect politique qui les exclut d’emblée du mainstream. Asphalt for Eden, malgré sa qualité timorée, le prouve amplement. Cette identité forte qui les poursuit depuis leurs débuts est toujours présente, nonobstant leurs sept ans d’absence et le départ du producteur Oktopus. Un membre plus qu’important car il était leur architecte sonore. Le monstre responsable de l’empilement de couches sonores qui fit trembler beaucoup de monde sur l’exceptionnel Absence. Mais aussi le vicieux qui bâtissait des ambiances poisseuses sur le maladif Abandoned Language.


Ce dernier opus est rassurant dans un premier temps. En dépit de l’absence de la Pieuvre à la production, la musique est dans la droite lignée de Gutter Tactics, leur précédent album. Hélas, cette première impression se transforme rapidement en une déception plutôt ironique : Dälek reste lui-même et c’est pour cette raison que ce retour n’est pas enthousiasmant.
Désormais plus vraiment seul sur son créneau en termes de rap expérimental et noisy, il ne cherche pourtant à ne rien prouver au point de presque s’auto-parodier (le début du disque s’écoute sans déplaisir mais également sans laisser trop de traces).
Seule surprise, l’instrumental « 6dB ». Sympathique mais un peu trop long. La fin du skeud remonte aussi le niveau et il faudra attendre l’ultime plage (« It Just Is ») pour retrouver des émotions fortes similaires à celles de Abandoned Language. Ce spleen urbain saisissant les tripes (pas si fréquent que ça dans le rap) dont l’atmosphère renvoie à l’autre grande source d’inspiration du groupe : le shoegaze de My Bloody Valentine.


En dépit de son titre bien trouvé, Asphalt for Eden est une sortie bien modeste. Que ce soit dans sa durée (moins de 40 minutes) et dans ses intentions, Dälek se retrouve désormais piégé dans son style unique. Une stagnation surprenante puisqu’ils ont déjà prouvé dans le passé qu’ils étaient capables de rebondir après avoir sorti leur magnum opus.
Néanmoins, il y a une leçon à retenir : c’est qu’une forte identité seule n’est rien. Elle devient un argument de poids uniquement quand elle est accompagnée d’un talent fort et d’une fraîcheur évidente. Deux choses qui manquent cruellement ici.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
5
Écrit par

Créée

le 20 janv. 2017

Critique lue 145 fois

3 j'aime

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