Being There
7.2
Being There

Album de Wilco (1996)

Being There est un des derniers albums de Wilco que j'ai eu l'occasion de découvrir. Je crois que j'avais même oublié l'existence de ce disque, coincé entre le premier opus du groupe brut de décoffrage et Summerteeth, premier grand œuvre de Wilco pour beaucoup de monde mais avec lequel j'ai pourtant beaucoup de mal, et ce malgré un grand nombre d'écoutes. C'est sans doute pour cela que j'ai inconsciemment oublié l'existence de Being There : le Wilco première période n'étant pas celui que je préfère. Je ne m'attendais donc pas à grand chose en écoutant cet album pour la première fois, et au final j'ai eu une immense surprise, voire une légère claque.


Being There est tout simplement un des meilleurs albums de Wilco, et je ne cesse de m'étonner devant la maturité atteinte par le groupe en l'espace d'un an. En fait, tous les ingrédients qui font de Wilco ce qu'il est, à savoir un groupe country unique en son genre, roots mais onirique et aérien, bourré de personnalité, touchant, lumineux et sublime, sont déjà là, avec une maîtrise qui laisse béat d'admiration, surtout quand on repense au rock très classique du premier album. Certaines chansons conservent le classicisme un poil americana si cher au groupe (Monday, Outtasite, I Got You...) mais d'autres enchantent par leurs atmosphères feutrées, nuancées, délicates, élaborées tout en conservant une limpidité mélodique qui prend vraiment aux tripes.


On retrouve ainsi les premiers classiques immédiats de Wilco, des diamants bruts d'une beauté ahurissante. Cela commence dès le premier morceau, Misunderstood qui plante le décor d'emblée et montre en l'espace de quelques secondes la transformation sidérante opérée par le groupe. Une introduction bruitiste laisse la place à de douces notes de piano appuyées par une orgue planante en fond sonore et une mélodie sublimement traînante. La structure du morceau, les arrangements, la tension électrique cohabitant avec la luminosité la plus pure : la formule magique de Yankee Hotel Foxtrot, si ce n'est l'identité même de Wilco, est déjà au point et parfaitement maîtrisée.


Les autres chefs-d’œuvres du disque ne font que confirmer cette tendance, et cet art consommé des arrangements de haut vol, créant une énergie, une originalité et une puissance dans une musique qui pourrait s'avérer classique sans cela, à l'image d'Hotel Arizona et de son final hypnotique, d'un magnétisme incroyable avec ses guitares crépitantes, sublimes contrepoint aux notes carillonnantes d'un clavecin tournant en boucle. J'adore la manière dont Wilco arrive à triturer le rock et l'americana pour l'attaquer sous un nouvel angle et le transcender. C'est d'autant plus criant avec Being There puisqu'il fait suite au premier disque du groupe, le plus basique de son répertoire.


Un titre comme Dreamer In My Dreams, par exemple, aurait pu avoir sa place sur A.M., tous les éléments country rock répondant présents, mais Wilco s'amuse ici, ce qu'il ne faisait pas auparavant, à étirer la formule, à la rendre ludique, moins sérieuse, plus spontanée et joyeuse tout en l'enrichissant, ce qui explique le fourmillement de détails sonores qui explosent dans tous les sens. Les petites douceurs que sont Far Far Away, The Lonely 1 et l'absolument sublime Red Eyed And Blue (peut-être le plus beau titre du disque) montrent davantage la capacité du groupe à insuffler une âme démentielle à de la country folk de base. Et s'il y a bien une chanson devant laquelle se recueillir, et qui me fait typiquement adorer Wilco, c'est Suken Treasure, son ambiance calme, posée, d'une mélancolie absolue fait des merveille, le genre qui pourrait tout aussi bien ne jamais s'arrêter.


Plus j'écoute Being There et plus je me dis que Yankee Hotel Foxtrot n'a finalement pas inventé grand chose, il s'est contenté d'épurer une formule déjà éprouvée ici. Being There n'a donc pas à rougir face au grand œuvre de Wilco, d'une certaine manière il est même plus attachant par son approche moins conceptuelle et son statut de double album généreux, signe d'une ambition déjà étonnamment élevée pour un groupe aussi jeune. Cela implique aussi quelques petites imperfections et les titres plus classiques cités plus hauts - mais aucun album de Wilco n'évite vraiment ces travers à mon sens. Ces titres sont peut-être juste un petit peu plus nombreux sur Being There, mais ils arrivent agréablement à relancer la machine entre deux chefs-d’œuvres, et surtout n'altèrent en rien la qualité exceptionnelle de ce disque qui figure au rang des plus grandes réussites de Wilco.

benton
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le 13 sept. 2016

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