Blood Bitch
7.3
Blood Bitch

Album de Jenny Hval (2016)

J’ai cet Amour du collage, de l’amalgame sonore et du gloubi-boulga réorchestré qui me vient de plus en plus fort en ce moment : de la trituration sonore, des couches qu’on gratte pour en retirer, pourrait-on dire, la substantifique moelle, je dirais simplement l’essentiel.


On crée alors un formidable laboratoire, un endroit où tout vient de mélanges, de l’hétérogène, de la tentative fructueuse ou pas, qui vit dans l’instant et l’immédiat, et répond donc à une curiosité animale, triviale, à une curiosité de l’inutile et du superflu, qui aboutit aussi bien à l’incongru qu’à la pépite alchimique.


Et Jenny Hval semble en être une passionnée. Des crépitements, des tapotements, du détail et de l’inaperçu surprenant, à moitié occulté par des nappes spectrales superficielles, premières choses venant frapper. Si ça peut sembler bagatelles, c’est en fait l’essentiel sous-cutanée, c’est le léger « plus », la vitalité en une ride, en des tannes de peau, parfaisant de jolis traits, c’est le sacré qu’on extrait d’une gouge déjà ravissante, mieux, c’est tout là son intérêt.



Le grand "consultoir"



Car ces signes servent aussi de témoignages, ce qui ressort de Blood Bitch, c’est des paroles abruptes et intimes : c’est une confession à l’auditeur, du problème personnel, des angoisses nocturnes rendues plus suffocantes que jamais, grâce à l’union subtile de cet univers sonore fantasmagorique et trifouillé de partout (hurlements et samples incessants, renversements sonores, The Plague en sera l’exemple le plus frappant dans son ronflement transformé en tempête rampante et désespérée).
C’est un Moi/un Surmoi qu’on sent, qu’on sait, saupoudré sur le squelette d’un disque charnel, d’une Musique incarnée au premier sens du terme : on forme véritablement une structure humaine, effrayée, blessée, amoureuse, en un rien, souvent absurde (m’évoquant souvent la comparaison avec Brigitte Fontaine, dans une toute autre forme cependant).


Une parole qui frappe, du sang sur des draps, ou un sursaut de la voix espiègle de l’espèce de cinglée qu’on a en face de nous, non, rien ne laissera indifférent ici, car trop pénétrant, incisif et thérapeutique pour ça. Par trop créatif, et même insolent, pour l’appréhender en arrière-plan, Hval mérite une attention particulière. Pas qu’on adhère à ses méthodes et ses bizarreries, mais qu’on les côtoie, au moins une fois, juste pour n’y être plus indifférent, et ce sera bien assez.

Rainure
9
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le 28 août 2016

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