Naâman c’est le phénomène reggae made in France des dernières années.


Deep Rockers (Back A Yard), c’est une



bombe de groove, de bonne humeur et de soleil.



Freedom, dès les premières notes et la voix perchée c’est parti pour un voyage sauté reggae resplendissant de chaleur, rebondissant, un hymne à la liberté par-delà « da system a fallin », un chant de joie et d’amour, une ouverture d’album formidable, entraînante, pour une ouverture au monde et à l’autre. Pas même deux minutes et l’envie est déjà là, pressante, de se trouver une place pour voir le gars Naâman quelque part en live.


House Of Love, nouvel hymne à l’amour, à la vie cool qui se résume à « spend time to do me thing fine », et « show me your love everyday ». Un groove sensuel aux évidences lascives. Naâman commence d’y affirmer son phrasé particulier, comme si le gamin avait grandi au cœur de Kingston. Une chanson pleine des promesses éternelles qui font chavirer les cœurs et chalouper les bassins, Naâman devient un irrépressible élan de dance, et quand il accélère le flow, c’est tout le cœur qui s’élance vers les autres : « one more time, built it together ».


Badman Beware, on plonge dans le sound-system, toujours dansé, toujours jamaican flow, le normand enchaîne façon freestyle, le souffle ample et la voix modulée, nue comme gonflée. Les platines de Fatbabs ne sont pas en reste et le dub qui tient l’ensemble reste porté par l’urgence avec un entrain aux accents de ska retenu.


Skanking Shoes, le tube de l’album annonce la couleur :



« put on your skanking shoes »



it’s high time you dance, lâche les manettes, lâche le bassin lâche les pieds les jambes, lâche tout ! C’est un pur single pour galette 45T, le manège tourne en boucle qui t’arrache de ton siège, lève tes fesses et te jette sur la piste. Tout est là des secrets de Nâaman : ce flow qui ne te lâche pas, jamais, le dub limpide, inventif, à la fois classique et empreint d’originalité de Fatbabs.
« Let’s see what kinda o’shoes you got »
Le mec te parle de tes pieds, et tu ne peux les empêcher de remuer.


Rockers amorce le début de l’alternance de l’album entre un tube hyper dansant et quelque chose de plus roots, en retrait mais toujours furieusement entrainant. Des cuivres sur dub, une voix qui ne s’arrête jamais avec un flow et un phrasé sortis des paysages caniculaires de la Jamaïque, avec tout l’esprit du reggae militant. « We are the rockers, babylon run away »


Rebel For Life confirme encore le voyage caribéen avec la présence de Cutty Ranks, du lourd. Confirme le cumul de purs tubes qui habitent l’album. Pur dancehall et l’engagement antisystème « i’m a rebel for life », avec des paroles conscientes faites d’images comme les grands auteurs du reggae l’ont fait avant lui. Naâman connait ses classiques jusqu’au bout de la langue. « Who take care for your brothers while you’re fighting for power ? », et la conclusion, évidente, « we dance » :



la danse comme forme de résistance irrépressible,



la musique comme arme que rien n’arrête. Rien de plus dangereux qu’un déchaînement de bonheur.


Madness, guitare reggae tout en accords étouffés, clavier sautillant, et toujours la voix ample pour un titre posé et plaisant, toujours saupoudré d’accents soudain lancés comme tout un corps à la renverse. Ça bouge, ça sautille, ça fredonne. Ça se laisse surprendre par un freestyle qui s’emballe, ça joue des rimes classiques sur un phrasé impressionnant, bref ça confirme la maturité du garçon dès son premier opus, le talent et la culture, le travail de Naâman, impeccable.


Smoke Tricks Jamaican Flavour, petite dédicace à la fumette, passage obligé de l’album de reggae aujourd’hui, une chanson calme et sensuelle en volutes douces et toujours chaloupées, aux rondeurs et suavités d’une chanson d’amour, « warm me up, this ya time, it’s for you », sexy et langoureuse. Naâman pourrait presque nous laisser là-dessus tant l’outro te pose au creux du canapé avec bonheur, tout en douceur, apaisé, le sourire lumineux.
Mais le gamin n’en a pas encore fini.


Frontline reprend la marche : ça bataille en rangs sur la ligne de front, l’homme repart au combat parce que rien n’est jamais gagné, parce que la lutte ne s’arrête pas après avoir ouvert le chemin. La voix dans les graves, ronde et rocailleuse, un voix d’urgence et de nécessité impérieuse : « we chase out the devil », avec des cassures au rythme dignes du meilleur dancehall, une inéluctable charge.


One Day, guitare acoustique pour le dernier titre et la voix claire d’un chant tout nature, sautillant d’espoir. Un au revoir en sourires sous le soleil printanier, plein des promesses d’un avenir rayonnant.
« One day we will meet again », et on attend déjà ça avec impatience.


Premier album de Naâman, Deep Rockers (Back A Yard) est une bombe dans le paysage du reggae français, un cran au-dessus de tout ce qui a déjà été fait, un ardent soleil généreux et souriant. Un album qui m’accompagne depuis bientôt deux ans sans jamais me lasser, qui toujours me gave d’énergie, repousse un temps les soucis en me ramenant un air de sourire.



Indispensable.



Matthieu Marsan-Bacheré

Matthieu_Marsan-Bach
9

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le 4 déc. 2015

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Mizuiro
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