Après l'album Sea Biscuit dont j'ai vanté les louanges, Space Continuum réplique avec Emit Ecaps.
Dès la première écoute les différences ne se font pas attendre mais bien entendre.
Pour les musicos qui classaient le précédent dans le genre "Ambient", celui est rangé comme étant du style "Chill Out". Quoiqu'il en soit, c'est toujours de la musique électronique et ce genre de classification ne se démarque que par la superficialité de certains de ses amateurs.
En effet, pour les artistes (tels que je l’entends), créer dans un style ou dans un autre n'est aucunement une fin en soit, simplement une nécessité quant à la concrétisation de leur volonté première. J’avancerai même que les génies créent sans préméditation, sans conceptualiser leur processus créatif, puis se retrouvent, à leur plus grand regret, classifiés dans une catégorie ou une autre.

Ce qui différencie l’ambient du chill out, c’est le rythme bien plus rapide du second. Dans le premier les nappes de synthés sont fondamentales, quelquefois accompagnées de percussions discrètes. C’est donc souvent comme ses détracteurs aiment à le répéter : «lent». Cette lenteur n’est pas qu’un choix musical anodin, elle est déterminante quant au facteur d’intemporalité recherché. La quête d’objectivité qu’ils ambitionnent à travers leurs créations acoustiques et musicales est dépendante de ce choix non rythmique. Ne vous détrompez pas, l'ambient peut être sacrément speed, assez rarement ceci-dit.

Dans Emit Ecaps, on se retrouve devant des sonorités plus intelligibles, structurée de manière simple mais suivant des règles et des conventions. Ce désir de temporalité s’inscrit donc dans une quête non plus d’objectivité mais de subjectivité (comme vous l’aviez déjà deviné).


Lorsqu’on écoute Sea Biscuit, on entreprend une aventure expérimentale. C’est d’ailleurs pour cela que cette musique est autant déconcertante pour certains. En plus de ne plus avoir la capacité de fournir une analyse théorique de ces compositions, ce voyage nécessite un réel effort. Il faut en effet avoir la volonté de dépasser les limites de notre perception, de s’oublier pour ainsi vivre une expérience ineffable.
« Facile, c’est ce que je fais tout le temps » me direz-vous, enfin oui, mais pas tant que ça. Le facteur « effort » est ici primordial. Ce n’est pas à travers une passivité coupable qu’il faut l’aborder, mais par une écoute résolument active, où l’on doit se concentrer à ne rien laisser filer de cet inquantifiable flot d’informations qui nous semble incompréhensible.
Si on daigne faire ce qui doit être fait, nous ne comprendrons pas forcément le pourquoi du comment, mais tout du moins, nous serons en mesure d'apercevoir les différentes pièces d’un puzzle infini et la cohérence de ce dernier.


Je sais bien que c’est la critique d’Emit Ecaps, j’étais cependant dans l’obligation de suivre ces étapes inductives pour entamer la suite, que voici…

Dans cet album, cette temporalité qui marque un retour vers la subjectivité peut se décomposer en deux grands ensembles :
1) Les émotions inhérentes à notre condition, dont on est malheureusement souvent les esclaves.
2) « Notre » raison purement humaine, tout ce qui se rapporte à notre rapport logique au monde qui nous entoure.

La particularité de ces titres réside dans le fait qu’ils permettent presque tous, excepté le dernier, de les ressentir et de les analyser grâce aux deux éléments énoncés plus tôt. Le travail abstractif contrairement à Sea Biscuit, est parfaitement possible, quoique difficile, tant il est ardu de lier la raison aux émotions sans se perdre dans le chaos et la confusion. (Nous partirons donc du postulat que vous êtes une personne psychiquement équilibrée)
Dans la même logique, l’écoute peut tout à fait être passive sans rien manquer d’important.
Pourtant, cette subjectivité a ici un inconvénient de taille. En fonction de ce que vous êtes, la signification que vous découvrirez d’une composition pourra être un jour d’une telle sorte et l’autre radicalement divergente. Eh bien sachez, contre toute logique, que cela ne signifie par forcément qu'une d'entre elles sera fausse.
C’est ainsi que fonctionne l’art moderne aujourd’hui, il n’y a plus de vérité irréfutable, ou comme le dit si « bien » le diction populaire : « A chacun sa vérité ». (vous ne pouvez pas imaginer à quel point j’exècre cette approche de l’art)

Vous devez venir à vous demander comment cela se fait-il que j’apprécie pourtant cet album. Il y a deux raisons à cela :
- Comme je l’ai expliqué précédemment, les émotions sont certes mises à contribution dans le cadre du ressenti individuel de chaque écoute, mais c’est sans oublier l’approche rationnelle qui adjoint une ligne directrice, un vecteur conceptuel qui délimite le champ émotionnel à une relative orientation pour éviter les mésinterprétations. C’est ainsi que nos civilisations régentent depuis des lustres ce qu’on essaie de nous faire passer pour la réalité.
Vous conviendrez que même si cela diminue grandement la propension à émettre des idées non conformes, c’est encore largement perfectible.

- La deuxième raison qui m’a fait aimer cette création, en partie entériner par le fait que cet album ne soit pas du fait Black Eyed Peas, mais des mecs qui ont pondu Sea Biscuit, part seulement d’une hypothèse de ma part.
En effet, conformément à un paragraphe précédent, il se peut très bien que cela soit une totale affabulation. Ce qui explique pourquoi j’ai mis autant de temps avant d’entamer cette critique, me questionnant sur sa réelle pertinence.
Au fil des multiples écoutes de cet album, j’ai essayé d’abstraire les différentes idées et la variété d’émotions qui le composaient. Après cette analyse en fonction de ma propre subjectivité, je suis parvenu à prendre conscience que chacun des morceaux en fonction de l’ordre numérique de ceux-ci se suivait pour une raison précise. En effet, l’était d’esprit nécessaire à la pleine compréhension de chacun d’entre eux, se base sur l’évolution spirituelle que chaque être humain se doit de suivre.
Certaines compositions sont tellement précises dans l'expression de qu'elles exhalent, qu'il vous sera difficile d'exclusivement vous y référer. C'est ainsi que vous basant sur le ou les titres que vous jugerez se rapprocher le plus de votre ''moi'' intérieur, et non pas en fonction de celui vous affectionnerez le plus, vous serez en mesure de savoir où vous en êtes. Dans cette logique, vous pourrez, si ce que j'avance tient la route, constater par vous-même que les pistes précédentes sont la bonne retranscription de passages successifs de votre vie. (cela s'est vérifié auprès de moi)


Pour résumer cela plus simplement, c’est un peu comme si cet album permettait de jauger votre propre cheminement personnel sur une échelle de 1 à 10 (l’album comporte 10 pistes), sachant que la composition à travers laquelle vous vous retrouverez le plus déterminera votre position.
Je pourrais poursuivre cet argumentaire en analysant le sens de chaque piste, mais dans le cas présent, mieux faut-il encore que vous le fassiez vous-même.
(Regardez la durée du premier titre et du dernier en dit déjà long sur leur signification)

Avant de conclure, je me devais de préciser un point déterminant. La majorité des sons créés par Spacetime Continuum renvoient avec plus d’harmonie aux bruits dont notre société moderne et urbaine nous inonde. On dénotera aussi la présence de sons plus « organiques » qui dans cet album se font plus discrets que dans le précédent (rien de surprenant à cela).
Cela s’explique pour la bonne et simple raison qu’Emit Ecaps s’adresse avant tout à nous, occidentaux, qui chaque jour un peu plus demeurons prisonniers des avancées technologiques dont nous ne saurions nous passer aujourd’hui. Ne vous fourvoyez pas, ce n’est pas le sujet de l’album, ça serait hautement réducteur.


Je pense que vous comprenez maintenant le pourquoi de cette critique, tant il m’est difficile de vous convaincre à vous attaquer à des œuvres universelles (certains chef d’œuvres du classique, les films de Malick, Tarkovski etc…) qui, de loin, paraissent si peu accueillantes et si hermétiques.
Space Continuum est donc parvenu, si ce que je pense est vrai, à travers une expérience artistique moins exigeante à introduire des concepts et des notions essentielles à la pleine satisfaction d’un art où les œuvres osent s’aventurer vers un terrain où nous sommes ''seulement'' poussières d’étoiles.
Mehdi-Ouassou
9
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le 5 juin 2013

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Mehdi Ouassou

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