Belle pochette, ici dans sa version originale, sur le label de Sun Ra , El Saturn Records, fondé avec son ami Alton Abraham qui portait plusieurs casquettes dont celles d’ingénieur du son, de producteur, de graphiste, de concepteur de pochette, bref: de bras droit …


Certains originaux de Sun Ra valent une petite fortune, ils étaient en effet conçus de manière artisanale et souvent à tirage (très) limité. Sun Ra ne s’intéressait guère à l’argent, une contrainte parmi d’autres… Seule la musique l’intéressait vraiment, le monde des idées également, qui nourrissait sa curiosité.


Sun Ra et l’Arkestra répétaient beaucoup et presque tout était enregistré, les micros étaient posés aléatoirement dans la maison et les magnétophones tournaient, cette technique d’enregistrement qui pouvait introduire les sons de la vie quotidienne sur les bandes s’appelait la Solar High fidelity, ce label ne garantit évidemment en rien un haut niveau de qualité pour les enregistrements. Il en était de même pour la qualité de fabrication des albums, les pochettes étaient illustrées à la main ou même restaient parfois toutes blanches. Il y avait peu de précisions sur le nom des musiciens, les dates des séances d’enregistrements et les titres joués. Parfois le même album sortait avec des titres différents. Sun Ra passera les dernières années de sa vie à remettre de l’ordre dans tout ça.


La vente des disques représentait cependant les principales rentrées d’argent pour l’orchestre de Sun Ra, il était donc nécessaire d’effectuer des tournées pour les écouler, souvent la vente se déroulait sur scène, à la fin des concerts, la suite prouvera que les acheteurs d’alors n’ont pas fait une mauvaise affaire… C’était le saxophoniste Danny Thompson qui supervisait la vente et négociait avec certains disquaires qui jouaient aussi le jeu. Encore aujourd’hui il reste une interrogation : comment comprendre le miracle d’une telle longévité économique quand tant d’autres labels indépendants n’ont pu survivre ? Cet artisanat a tout de même permis à l’orchestre de tenir ainsi plus de trente ans !


Revenons à notre album paru en 1970, en fait les enregistrements qui ont permis de le réaliser datent de l’année 1960, à la fin de la période de Chicago. Holiday For Soul Dance ne comporte aucun morceau composé par le leader, seul Dorothy's Dance a été écrit par un membre de l’Arkestra, le cornettiste Phil Cohran. C’est donc un album de reprises, des standards tirés des chansons de Broadway, de comédies musicales et d’airs populaires, comme ici les deux reprises de Gershwin. Ces chansons connues de tous, qui ont permis aux jazzmen de se les approprier lors des « bœufs » organisés après les soirées en club, utilisées pour leur thème facilement reconnaissables; ces mélodies permettaient aux solistes d’exprimer leur talent et leur singularité lors de joutes instrumentales parfois restées célèbres. Qu’importe si le thème semble niais, c’est le solo, l’interprétation qui seule compte, il faut faire montre de technicité, certes mais aussi de personnalité et de sensibilité…


Ici l’album est court, un peu plus de trente minutes de bonne musique, bien conduite, arrangée et menée par notre maître. Toutefois, la piste vocale (Early Autumn) chantée par Ricky Murry, peut déplaire, mais c’est affaire de goût. La voix est parfaite, juste et même sans doute belle, mais le côté « crooner » peut paraître aujourd’hui suranné (quoique...).


L’album montre donc un retour au jazz classique dans la tradition noire américaine, tout y est parfait, bien net et bien léché, il saura vous rendre heureux et vous séduire à chaque écoute…


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le 1 juin 2018

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