Last Forever
7.4
Last Forever

Album de Westkust (2015)

La fougue impétueuse de la jeunesse !

La musique se divise en plusieurs types de découvertes.


Il y a les disques qui s’apprécient avec le temps. Ceux qui ennuient dès les premières mesures et qui ennuieront toujours. Enfin, il existe aussi les albums qui frappent immédiatement par leur évidence. C’est en quelque sorte des classiques instantanés. Pas besoin d’une dizaine d’écoutes ou de revenir dessus des années plus tard pour les apprécier. L’expérience m’a souvent appris à me méfier de ces sorties. L’enthousiasme du premier contact peut laisser place à une attitude plus mesurée au mieux, voire à un abandon pur et simple du skeud sous la poussière de l’oubli dans le pire des cas. Seulement parfois, le dicton disant que "la première impression est toujours la bonne" peut se révéler exact.


Last Forever est une claque. Fulgurante et du style à laisser une belle marque sur la joue. La surprise est de taille car il s’agit une petite bande que l’on n’a pas vu venir. Tout au plus, elle est composée de plusieurs membres de Makthaverskan pour les plus informés (autant dire pas grand monde donc). L’autre coup de théâtre, cela reste notamment le fait que Westkust sorte un grand album dans un genre aussi éculé que le shoegaze aujourd’hui. C’est facile de copier les anciens sans y injecter le moindre talent mélodique et une patte personnelle. Donc quand un essai émerge de la masse, il attire irrémédiablement l’attention.


Ce qui frappe d’emblée avec ces Suédois, c’est la puissance et la beauté de leurs mélodies vocales. Gustav Andersson, Julia Bjernelind et leurs amis savent écrire des chansons. A la manière de Lush, Ride, Adorable et bien d’autres de la même époque. Laissant des médiocres tels que Cheatahs ou Have a Nice Life sur le bord de la route, tant ces derniers sont tout bonnement incapables d’écrire le moindre morceau mémorable.


Autre détail qui fait la différence, c’est l’énergie. Ce qui me permet de faire un petit aparté sur le shoegazing au sens large : non, cette musique n’est pas molle. Elle est volontiers planante, nuance. Ce n’est pas parce que l’histoire a surtout retenu My Bloody Valentine et Slowdive qu’il faut faire une généralisation. Swervedriver, Curve et Kitchens of Distinction, par exemple, possédaient une dynamique faisant défaut aux deux autres grands noms (et encore, c’est du cas par cas concernant MBV). D’ailleurs, quand on commence à compter beaucoup d’exceptions (My Vitriol ou encore Airiel dans les formations plus récentes), cela signifie que toute généralisation hâtive devient impertinente.


Westkust n’est donc pas une anomalie et s’inscrit pleinement dans un registre revival mais fait avec personnalité et talent. « Swirl » pourrait être un tube tant son mélange entre rythmique dévastatrice, guitares tour à tour assourdissantes et carillonnantes provoque un impact immédiat dans nos oreilles. Le groupe fonctionne à l’énergie et à la mélodie sans en abuser (les plus rêveurs « Weekends » et « Easy » apportent une pause bienvenue tout en étant les meilleurs moments du disque). Entre la jangle pop (« Summer 3D ») et la puissance noisy des vieux Dinosaur Jr. (« Dishwasher » et « Drown »), Last Forever se permet de taper dans plusieurs registres tout en restant bien homogène.


Furieusement mélodique et presque toujours pied au plancher (à ce sujet, le batteur abat un travail considérable en faisant ce que tout grand batteur doit faire : dynamiser les compositions sans en faire trop), la comparaison avec un certain Nevermind en devient quasiment inévitable… Au désavantage de ce dernier. Puisqu’il n’y a aucun temps mort ici. Seulement un moment d’élan fougueux. Une magnifique démonstration de ce que la jeunesse peut accomplir de beau et d’euphorisant. Du shoegaze lumineux au point d’être aveuglant (« Another day ») et qui permettra aux habituels réfractaires de s’en faire une autre opinion.


Finalement, Last Forever est principalement une ode à la passion du rock et de la pop. Une musique sans ambitions déplacées et qui parvient à se maintenir au-dessus de la masse sans pour autant révolutionner quoi ce soit (chose rare). Une catégorie d’album qui fait du bien et laisse espérer un rayon de soleil dans notre morne quotidien ou bien confirmant que la vie est belle et mérite d’être vécue.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
8
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le 16 déc. 2015

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