Bons baisers de Russie

Il est des titres d’album dont on ne sait pas bien s’ils annoncent un revirement musical dans la carrière d’un artiste, ou juste une mauvaise blague. On se souvient avec hilarité, par exemple, du Femme Fatale d’une Britney Spears en plein régime Starbucks ou de l’impersonnel Caméléon de Shy’m, qui n’était ni très coloré, ni synonyme d’une quelconque métamorphose. Aujourd’hui, cette liste magnifique accueille un nouvel élément : « Le Secret » de Lara Fabian. En regardant la pochette (que nous qualifierons de « conceptuelle » à défaut de pouvoir dire « jolie ») et avant d’appuyer sur play, nous avions l’espoir que cette chanteuse à voix, connue pour avoir donné tout son sens à la notion de « cri d’amour », avait appris à murmurer. Que nenni, les amis. Comme tout album de la dame, nous vous recommandons un volume d’écoute minimal.

La tentation est grande, pourtant, de coller ses oreilles aux écouteurs, tant les paroles sont difficiles à distinguer. Exit la Lara qui s’appliquait à rendre son message compréhensible, celle de « Tout » ou « La Différence » ; madame Fabian est depuis devenue une véritable chanteuse « made in Russia », avec tout ce que cela implique d’arrangements à cordes grandiloquents et de postures de Castafiore. La galette contient donc une bonne rasade de pistes à la limite de la parodie, au premier rang desquels : « Amourexique » (que même Mylène Farmer n’avait pas osé et dont nous vous invitons à tenter une retranscription des paroles en commentaire), « Danse » (digne d’un lead single d’une comédie musicale TF1/Kamel Ouali) et, surtout, « Un ange est tombé » (il est question de « Facebook » et on sent de le désir d’en faire un single… Atroce).

Il faut cependant reconnaître à cet album une ambiance, ce qui est loin d’être commun dans le paysage de la variété française. Ecoutez « P… De Grand Amour », fermez les yeux… Vous êtes dans la Russie du début du siècle, dans une pièce de théâtre dramatique et froide où les femmes se meurent d’amour dans de grandes robes et les hommes reviennent tous d’une guerre dans un lointain pays. L’instrumental de « Que j’étais belle » vous entraîne quant à lui dans vers les landes celtiques, dans des paysages reculés et hors du temps. C’est lyrique et –très– particulier ; tellement, d’ailleurs, qu’on a tendance à croire en l’implication de la chanteuse et la sincérité du projet. De là à dire que le grand public va adorer, il y a un pas que nous ne franchirons pas, même si la vague Nolwenn Leroy nous invite à la plus grande prudence.

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