Liquidation totale
7.4
Liquidation totale

Compilation de Les V.R.P. (2002)

Un monde.


Une faune hétéroclite grouillant dans un quartier pauvre d'un vilain Paname en carton pâte.
Un théatre de rue sale et bariolé, une Comedia Del Arte version Titi Parigot qui prend vie dans ce décor préfabriqué, ce bric-à-brac de ferraille et de tôles ondulée.
Un immeuble tordu et décrépit dans un Paris cradingue et grisouille où se meut une véritable cour des miracles.
Des personnages laids, outrés; des Bidochons bêtes et méchants se mirant dans la gadoue d'un caniveau et te crachant leur reflet dégoûtant à la gueule.


C'est le monde des VRP qui se débat dans ce bâtiment croulant.
Un petit peuple en marge, survivant comme il le peut dans cet immeuble crasseux; vivant de rapines, de petits métiers, de trafics foireux et d'espoirs déçus.
Tu rentres quand même. La porte énorme, vermoulue, grince comme un portail de cimetière.
L'odeur est forte, tenace, ça sent le chorizo et le safran; c'est une odeur de paëlla qui vient couvrir les odeurs de moisi et les relents d'égouts qui émanent de la cour intérieure.
C'est Ramon Perez, l'Espagnol de l'immeuble et grand fan de corrida sanglante, qui prépare le repas pour les quelques locataires du lieu et qui t'accueille sur le pas de la porte pour te faire le tour du propriétaire. Tu suis Ramon dans les couloirs labyrinthiques de cette bâtisse désaffectée où tu fais la connaissance du bestiaire étrange qui peuple ce petit coin paumé de ce Paris inédit.
Tu croises au détour d'un couloir un skinhead à cheveux longs devenu bouddhiste et pacifique acharné qui passe ses journées à faire la seule chose qu'il sait faire: Des croix gammées en macramé.
Tu pleures avec les locataires légèrement avinés la mort de Mémère, la bonne maman de l'immeuble dont l'Alzheimer galopant, les flatulences inopinées et les petits sablés au beurre manqueront à jamais.
Tu participes au Mardi Gras des voisins, aussi drôle qu'un petit doigt de pied explosé contre la table basse en chêne massif. Une fête insolite où se croisent nains priapiques à gros bazar turgescents, vieillards fébriles rêvant d'aller mourir le cul sur un banc Cannois et autres maris volages rongés par le remord.


Un peu saoûlé par toute cette faune bigarrée et par le mauvais vin que l'on verse copieusement dans mon verre à moutarde, je décide de m'approcher de la fenêtre du troisième pour prendre un peu d'air frais. C'est là que je les vis. Les proprios !
Cinq gougnafiers sales comme des peignes jouant au beau milieu de cette cour intérieure avec des instruments improbables ( Contrebassine, piano d'enfant, scie musicale, flûte en plastoc estampillée "Pif Gadget"...), tendant la pogne pour deux-trois piécettes et racontant les vies hautes-en-couleurs de ces locataires que personne ne voulaient.
Ce sont des chansons de rues, des chansons populaires qui se gueulent au coin des boulevards. C'est la tradition réaliste Française trempée dans le caniveau, roulée dans la fange urbaine.
Des Gavroches paillards et bruyants dessinant en riant, au milieu d'une misère crasse, une humanité drôle et surréaliste pleine d'espoir et d'humour noir.


Les musiciens joueront l'espace de trois albums fous et d'une tripotée de lives furieux et déjantés.
Ils céderont ensuite leur immeuble insalubre et lézardé à la boule de destruction d'une variété télévisuelle qui finira par détruire progressivement toute la merveilleuse rue "Alter' Français".
Les nouveaux bétonneurs des maisons de disques en ont fait un boulevard tout neuf et bien éclairé où les gens viennent s'emmerder devant ces vitrines pleines de dorures et d'artifices sans originalité.
Ils laisseront leurs locataires dans la nature, orphelins, perdus dans ces grandes allées toutes propres au milieu de ces bourgeois "Top 50" parfumés à outrance et pourtant si fades.
Ils resteront assis là, tendant la main pour quelques piécettes regardant passer les nouveaux riches dédaigneux de la chanson Française. C'est fini.


La Liquidation totale a été un succès. Il ne reste plus rien.

Ze_Big_Nowhere
9
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le 18 déc. 2015

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Ze Big Nowhere

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