● Cyclone sur l’archipel. Possibilité d’éclaircies ●

Le 13 janvier 1972, Weather Report se produit à Tokyo dans le Shibuya Philarmonic Hall, délivrant là un concert intense avec un répertoire pourtant alors encore des plus réduits. Faire beaucoup avec peu donc, va être la prouesse monstrueuse du groupe de Zawinul & Shorter (1) pour au final un live disponible alors pendant très longtemps qu’uniquement au marché japonais.


Le groupe de jazz-rock né des émules d’étincelles provoquées par un In a silent way de sessions Milesiennes où Zawinul tel Archimède déclara alors en lui-même « Eurêka ! », allait alors à la fois piocher dans le répertoire de sa récente naissance comme celui de la carrière solo de l'autrichien en n’oubliant pas des passages inédits qui sonnent comme autant d’improvisations inouïes en direct.


Car à l’écoute de l’album, tel un whisky doté d’un certain pourcentage élevé d’alcool ou façon Tontons Flingueurs, on ne pourra que s’exprimer : « c’est du brutal. » Oubliez les préjugés sur le bulletin météo d’une musique vaporeuse issue de machines molles (2) tant à travers de longs medleys enchaînés qui fusionnent un peu tous les morceaux, les joyeux compères triturent leurs machines parfois jusqu’à la torture, sonnant plus acoustique qu’électrique dans l’ensemble mais avec une radicalité surprenante.


C’est du free-jazz ?
C’est du classique ?
C’est de l’avant-garde ?
C’est improvisé ?
C’est jazz-rock ?
En fait un peu tout ça.


On pense souffler quand on entend une mélodie au piano avant que ça martèle à nouveau et que Zawinul s’empare de son clavier et s’astique presque le manche avec que ça devrait être pas permis. On rebondira d’un instant presque musique de film d’horreur (début du « medley : Surucucu… ») sur des fragments planants d’In a silent wayDirections », composition proposée par Zawinul et non retenue à l’époque par Miles Davis se retrouvera dans sa version initiale sur le coffret des « The complete In a silent way sessions » pour l’info) du moins revus et corrigés en mode frénésie live. Ailleurs on enchaîne avec le pourtant contemplatif « Orange lady » de 8mn initialement sur une piste étendue en live sur une face entière du second vinyle, où en 18mn, la bande à Zawinul fait décoller avec encore plus de magie la composition (c’est au passage la piste la plus facile à s’avaler de ce double album gargantuesque).


L’album souffle constamment le chaud et le froid, la beauté et la dissonance, le planant et le groove, en faisant paradoxalement un des disques les plus difficiles d’accès de Weather Report et demandera à pas mal d’auditeurs de dépasser les moments bruts pour aller au-delà et voir dans les replis de cette sculpture un étrange diamant noir, probablement essentiel dans la discographie d’un des plus brillants, original et créatifs groupes de jazz-rock qui soient.


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(1) Bien essayé mais non ce n’est pas une marque de shampoing.


(2) Dédicace enjouée à Robert W.

Nio_Lynes
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le 24 sept. 2021

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