Entre psychédélisme, Krautrock et shoegazing, Colourmusic allie âpreté du rock et brumeux des machines. Une nouvelle réussite du genre.

Colourmusic a la particularité d’avoir un Anglais comme leader : pour notre plus grand bonheur, Nick Turner a échoué en Oklahoma et là, il y a formé son groupe en 2005 avec l’aide de Ryan Hendrix (chant, guitare). Il serait évidemment réducteur de voir en Colourmusic la rencontre de l’Angleterre et des Etats-Unis. Encore que Turner apporte à la musique des lignes de chant aux mélodies très britanniques. L’homme n’a peur d’exprimer une sensibilité pop à fleur de peau. Mais dans le traitement proposé, cette voix se fond dans un ensemble nettement plus complexe qu’une simple brit-pop.

Car Colourmusic est ainsi fait. Le groupe se situe à la croisée de la musique synthétique et du rock à guitares. Plus exactement la première lève un brouillard trouble sur le second. Ils sont souvent passionnants les groupes qui mêlent les deux univers : pensons à Suuns, à War on Drugs, à Radiohead. Colourmusic diffère de ces groupes mais adopte une même volonté formaliste, à l’instar du psychédélisme, du Krautrock, du shoegazing dont le trio peut être un amalgame possible. Dans May You Marry Rich, les claviers sont nébuleux, les voix brumeuses. C’est particulièrement vrai sur les moments les plus ambiant du disque où les attaques de guitare ressemblent au chant aiguë des baleines (Snake in the mouth particulièrement réussi ; Silvertape, un peu moins). Sur May You Marry Rich tout semble passer par le prisme d’un filtre opacifiant. Celui-ci fait merveille sur Satyricon qui ne révèle la grandeur de ses contours musicaux que progressivement. A partir d’une batterie répétitive à souhait et d’un chant souffreteux, accumulant ensuite les strates de musique, le groupe vous emmène loin et ailleurs.

Pourtant, le groupe n’en oublie pas d’être tranchant et sait rester rock à la manière d’un Jesus and Mary Chain ou d’un Flaming Lips. Cela se fait sur un riff minimaliste de guitare (Dream girl 82) qui assène invariablement les coupes, sur une basse Cure qui emporte le morceau dans un cavalcade (Rendez-vous with destiny), ou sur tout un attirail rythmique (guitare, basse, batterie) qui prend l’auditeur en tenaille (Audacity of hope ou sur un Horse Race, impérial, au potentiel de grand single malade). Sur Overture, la noise pervertit l’électricité et le chant prend assurance et ampleur.

Parlant de son album, Ryan Hendrix décrit May You Marry Rich comme leur « album pourpre », là ou le précédent était rose. au-delà de l’image synesthésique, qui donne d’ailleurs le nom à ce groupe, reconnaissons qu’en effet, la musique de ces américains, loin des teintes pastel, affirme saturation et force. Un grand disque pourpre, effectivement.
denizor
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le 4 juin 2014

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