Bydgoszcz, mars 1981. Une manifestation pacifiste est sévèrement réprimée par des miliciens qui matraquent des syndicalistes. Le mouvement menace de faire tache d'huile et le jovial général Jaruzelski fait alors appel à la loi martiale pour maintenir le calme (vous savez, un peu comme l'état d'urgence pour empêcher les manifs, ce genre de chose...).
Quelques mois plus tard, le compositeur Henryk Mikolaj Gorecki écrit ce Miserere dédié à Bydgoszcz. Le morceau ne pourra pas être joué en Pologne avant 1987.
Ce morceau est une pure merveille. Le découvrir a été un ravissement rare.
J'adore d'abord sa fausse simplicité : un chœur sans accompagnement musical, un texte réduit à cinq mots uniquement (Domine Deus noster, miserere nobis). Mais une organisation très réfléchie : chaque tessiture de voix entre petit à petit, en commençant par les basses et en finissant par les sopranos (qui arrivent à la 20ème minute). Chaque entrée d'une catégorie de voix entraîne comme un souffle d'air, une montée en puissance progressive. Le ton, à la fois calme et grave, prend de plus en plus d'ampleur.
De plus, sur les 9/10ème du morceau (jusqu'à la 30ème minute sur 33 en tout), le chœur ne fait que répéter les trois premiers mots du texte. Cela crée une forme de tension, j'irais presque jusqu'à dire un suspense dans le sens que le chœur semble en suspension, en attente des deux mots qui le délivreront de son message.
L'ensemble est juste sublime. Les autres morceaux de ce disque (tous des chœurs sans accompagnement musical) sont très beaux, mais ce Miserere est une œuvre d'une beauté stupéfiante. je suis en pleine découverte de Gorecki, et c'est vrai que certaines œuvres (sa fameuse troisième symphonie) sont très belles. Mais là, j'ai l'impression d'avoir trouvé une des œuvres les plus émouvantes de la musique classique récente.