Beyrouth, mai 2013. Après des semaines les yeux rivés à mon ordi, je découvre une ville et un pays que je n'ai jamais connu que dans les livres, dont je ne connais que le passé. Je découvre ce nouveau monde dans la promiscuité d'un taxi bus pour me retrouver embarqué dans un concert de rap arabe. Tout cela est assez irréel. Pendant une semaine, le jour sera le moment de la découverte, la nuit celui du recueillement et de la discussion.


Ça paraît logique mais la vie d'un étudiant est le contraire : on dort ou étudie le jour, on sort la nuit. Je ne sais pas ce que la nuit beyrouthine a de plus que les autres. On peut bien s'extasier sur le ciel étoilé partout dans le monde, la nuit reste la même. C'est ce qui se passe au sol qui rajoute du piment, du sel, les épices qui relèvent et distinguent certaines nuits de l'ordinaire fade. Les villes sont belles à parcourir de nuit, elles m'enveloppent de leur lumière, des voitures qui passent ou des sons humains rythment le bruit de mes pas.


Puis nous nous retrouvons avec l'amie qui m'héberge sur le toit de son immeuble. Loin du bruit de sa coloc - arche de Noë, nous discutons. Nous ne sommes pas vus depuis l'été précédent et ses projets estivaux. Elle a annoncé qu'elle partait pour le Liban à ce moment-là, je me suis levé immédiatement et lui ai dit que je viendrais la voir. Chiche. Nous voici à refaire le monde et l'histoire à l'autre bout de la Méditerranée.


Elle est ce que je ne serai jamais : une aventurière. J'aime m'échapper mais pas partir de chez moi. Je m'évade à travers l'histoire, l'art, la littérature, la musique... Alors que nous restions tous en France pour les études, elle décidait d'aller étudier un an au Liban, ce pays dont je connaissais par cœur l'histoire archéologique. Cette escapade d'une semaine est un des plus belles choses que j'ai faites car je n'ai pas vécu le voyage par procuration. Les discussions que nous avions eues, nous aurions pu les avoir à Lyon ou Marseille. Finalement, Beyrouth n'y changeait rien. C'était sûrement ça le plus beau. Partir aussi loin et être quand même à la maison.


J'y repense en écoutant Musique de Nuit, album de Vincent Ségal et Ballaké Sissoko paru en 2015. Contrairement à Sissoko, je ne joue pas de kora. Mon amie, elle, est violoncelliste comme Vincent Ségal. Plus important encore, les chansons de l'album ont été composées et enregistrées sur le toit de la maison de Sissoko à Bamako. On entend encore les bruits de voiture. Après manger, ils s'échappaient du bruit humain, prenaient physiquement de la hauteur et jouaient sous la lune et les étoiles. Ils ne se coupaient jamais du monde, ce qui donne un disque poétique, comme une veille ou un dialogue sans mots à hauteur d'homme. Comme ces instants sur les toits de Beyrouth.

Julien_Mazars
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le 14 févr. 2016

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