Clarté matinale

Ces deux démos rassemblées dans la présente compilation, Atavisme... (2014) et Ostara (2015), figurent probablement parmi ce qui est arrivé de mieux au Black Metal français ces dernières années.

Et pourtant, la recette est fort simple : rien de très sophistiqué, simplement de très bons riffs, une rythmique efficace et dynamique, un chant caverneux et hargneux et ce délicieux son raw à l'ancienne. À l'ancienne, certes, mais, malgré la forte influence du légendaire Seigneur Voland, Nécropole a quelque chose de très contemporain — il s'agit simplement de ce goût prononcé pour le bon riff, épique et mélodieux en 2016. Tout est là : la simplicité, l'efficacité et la clarté d'un riff génial. Voilà en quoi Nécropole est rafraîchissant, de même que Caverne, l'autre projet d'Amertume (le chanteur), renouvelant également de façon subtile et brillante la plus pure tradition du Black Metal crasseux des années 1990 ou 2000.

Un son crade, une voix brumeuse et lointaine et la clarté d'un riff — curieux mélange ! Nécropole, c'est un Black Metal solaire et grandiose, qui sonne comme le lever du Soleil dans un clair matin de printemps, terrassant les ombres et les miasmes de l'hiver. Mais il ne s'agit pas de n'importe quel soleil : pas de ce soleil qui nous est donné comme quotidien et banal, et dont nous ne nous soucions guère. Il s'agit de l'astre fécond qui permet la vie, du Soleil de la renaissance, du renouvellement de la nature, celui qui inspire piété et dévotion. Voilà des sentiments, comme souvent le Black Metal depuis toujours, plus encore peut-être depuis quelques années, que Nécropole inspire et cultive : il chante l'inaltérable beauté de la nature, la grandeur hiératique du monde — c'est-à-dire le sacré, au sens du terme qui nous est le plus originel. Soleil, Renaissance, Pureté : voilà les maîtres mots de Nécropole, bien qu'avec le sens malheureux que ce dernier a pu prendre au terme de sa destinée, d'une façon qui en dit cependant long sur la destinée de la pensée européenne en général. Car c'est certes également l'idée d'un Soleil triomphant des ombres du destin de l'Europe que chante Nécropole, dans un mysticisme nietzschéen dont on pourra bien penser ce qu'on veut.

Mais laissons à d'autres occasions ces sujets d'ennui et de tracas ! Profitons d'abord de la poésie qui nous est donnée, abreuvons-nous à cette source bienvenue de beauté dans ce monde terne et désenchanté. Laissons donc briller cet ode à Ostara, la déesse du printemps vénérée par les anciens Saxons, et dont la clarté a été tirée des Âges Sombres jusqu'à nous par la plume pieuse et discrète de Bède le Vénérable.

Ostara ! Réveille-toi.
Que ton œil brûle les idoles des mythes de notre asservissement,
Que ton aura abatte les temples érigés par la malfaisance,
Que la lumière dépasse enfin les ténèbres.