Quieter
6.6
Quieter

Album de Carla Bozulich (2018)

"Written in Smoke" peut-on lire dans la tracklist. Et ma foi, ma petite plume ne saurait trouver plus juste et plus élégante métaphore pour évoquer ce nouveau Carla Bozulich. La dame a fait du chemin depuis les Geraldine Fibbers et le temps des tueries alt.country. Mais il suffisait de se rappeler qu'en compagnie du surdoué virtuose Nels Cline elle avait alors déjà eu l'audace de reprendre du CAN pour se dire qu'elle était destinée dès le départ à poursuivre une carrière hors-normes et polyvalente. Entre temps il y a eu Evangelista, d'autres formations plus éphémères et une petite fournée d'albums solos brumeux. D'où ce petit dernier à la pochette déjà envoûtante. Avec les années, son côté corbeau incantatoire s'est vivement exacerbé, et ici toutes les pistes réunies forment comme une cérémonie rituelle brumeuse où chaque mouvement constitue moins une "chanson" à proprement parler que la formation d'une atmosphère puissamment évocatrice.


Written in smoke, donc ; chaque instrument, chaque mélodie et même chaque éclat de voix semble émerger de cette fumée dont les volutes cachent autant qu'elles dévoilent. Ici une clarinette vient vibrer dans les ténèbres, là des percussion scintillent, sur "Emilia" un hululement de guitare venu d'un autre temps vient percer la nuit tandis qu'un violon électrique griffe l'éther avec mélancolie, et une myriade de petits bruitages discrets viennent donner l'impression que tout peut arriver, que la palette instrumentale n'est pas limitée. L'éther peut prendre mille et une forme. Même la voix de Carla n'est pas épargnée, modifiée à l'envi et nulle part autant que sur "Sha-Sha", sorte de berceuse nocturne douce bien qu'inquiétante, avec sa batterie en roue libre et les inflexions vocales de Bozulich modifiées pour êtres rendues infantiles. Lueur vive au cœur des abysses, "Glass House" avec sa pluie glitchée, son chant joyeusement éperdu, son vibraphone tout doux, sa basse ronde et la saturation chatouillante de ses guitares, apporte une pureté précieuse au disque. On croirait parfois entendre du Yo La Tengo migraineux.


Et après la menace pulsatoire du troublant "Written in Smoke", les brumes traîtres de Quieter se dissipent enfin pour laisser place à une sorte de samba fatiguée, classieuse mais décadente : la paisible "The End of the World". Et puis voilà ! Le songe s'évapore et la mémoire – traitresse elle aussi – fait défaut ; ne restent que des bribes, une fragrance ça et là, des émotions brutes. Et un mystère, insondable et alléchant, qui soyons en sûr amènera bien assez tôt sa victime à revenir s'y perdre...


Chronique provenant de XSilence

TWazoo
8
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes 2018 en musique après la cuite fortuite où j'ai pris la fuite devant un inuit et sa truite gratuite et Les meilleurs albums de 2018

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le 30 mai 2018

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T. Wazoo

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