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La conjecture semble idéale pour les Pretty Things en 1974 : signer chez Swan Song Records leur assure le soutien de la toute-puissante machinerie zeppelinienne et du redoutable Peter Grant. Le succès, ce succès dont une poisse phénoménale prive le groupe depuis dix ans, semble enfin à portée de main. Et les Pretties, en configuration sextet, sont bien décidé à tout donner.


Ils mettent la barre très haut dès le premier titre : Dream / Joey est l'une des meilleures chansons du groupe, toutes périodes confondues. Après une petite introduction évanescente, le disque part sur les chapeaux de roues : un tempo endiablé, un orgue irrésistible (les claviers de John Povey, subtils et cristallins, seront l'une des fondations de l'album) et un solo final de toute beauté (la guitare de Pete Tolson, toujours bien placée, jamais trop voyante, sera son autre assise). Le ton est donné : cette torpille de soie sera un véritable missile à tête chercheuse, d'une efficacité dévastatrice. La patte de Norman Smith se reconnaît dans la production, même si les relations entre Phil May et « Hurricane » Smith ne sont plus aussi idylliques qu'à l'époque de S.F. Sorrow.


Pourtant, l'apparence immaculée de la galette n'abusera pas l'auditeur, pas plus que les deux jolies ballades Atlanta (et son étrange coda L.A.N.T.A. aux percus caraïbes) et Is It Only Love. Ce sont bien les Pretty Things qui sont aux manettes, et ils n'ont rien renié de leur essence. Professionnels jusqu'au bout des ongles, certes, mais des ongles sales et rongés. Et c'est un Singapore Silk Torpedo où ils jouent les imbéciles ; et c'est un Maybe You Tried moqueur et dédaigneux; et c'est le boogie endiablé de Come Home Momma. Une curiosité tout de même : le titre final, Belfast Cowboys, une chanson sur le conflit nord-irlandais comme son titre le laisse entendre. On n'imagine guère les Pretty Things en précurseurs de U2, et de fait, il ne s'agit pas de prendre position, sinon pour dénoncer l'absurdité des voitures qui explosent et des hommes qui meurent.


Commercialement, Silk Torpedo permet enfin au groupe de percer sur le sol américain, encore que modestement. Les attentes sont élevées pour la suite.

Tídwald
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le 30 janv. 2012

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