Voici une musique sous sa plus pure forme : aventureuse et plantureuse, libre de toutes accointances marketées.
Warsaw Village Band (WVB) est certainement l'un des groupes folkloriques les plus inventifs du Vieux Continent. Leurs compositions basées sur d'anciens thèmes traditionnels polonais trouvent appui ici sur d'autres musiques aux origines bien plus éloignées : le Moyen, l'Extrême Orient et le cosmos aussi. Le soleil et la lune sont les facteurs d'influences indéniables de ce projet.


Sur ce disque astral s'il en est, et en fin de compte dans toute l’œuvre du WVB (18 ans de vie et sept Lps), leur son en a fini avec la rigidité que sous-entend trop souvent l'"appellation folklorique contrôlée". Le langage comme les méthodes de sa production y sont incroyablement ouverts, déliés, proches en cela du jazz ou de la musique indienne (la présence du virtuose du Sarangui, Ustad Liaquat Ali Khan n'est plus un mystère). C'est un univers de créativité sans limite qui s'agrandit au fur et à mesure de son exploration. De fait, la musique qui en découle n'est pas comme on pourrait le croire retranchée sur elle-même, codifiée jusqu'à l'imbitable, et difficilement accessible pour les non-cooptés. La preuve irréfutable avec ce double Lp on ne peut plus mystique qui offre un vaste royaume en work in progress, un monde sonore où la tradition est en perpétuelle refondation, où la seule idée de purisme est tout bonnement banni.


De retour sur disque, les sept du WVB sont donc épaulés ici par une fine garde rapprochée de chanteu(r)ses et de multi-instrumentistes de haute volée : la Galicienne Mercedes Peon, Kayhan Kalhor le kamikaze du kamanche iranien, Dj Feel-X le mage du scratch, l'altiste compatriote issu du Atom String Quartet de Varsovie Michal Zaborski ou encore le membre des Doad Gypsies From Rajahstan et son harmonium possédé Sanjay Khan. Rien que ça !
Tout ce petit peuple se laisse porter par une inspiration vagabonde qui l'entraine haut très haut autant du côté des musiques de transes tribales ou plus contemporaines que de l'improvisation épurée du blues ou de l'énergie des danses d'Europe de l'Est.
Mais attention, virtuose d'une folle élégance, ce Sun Celebration est loin de n'être qu'une habile succession en cascade de dérapages contrôlés : si le WVB se plait à partir ainsi dans ces décors des plus chamarrés , c'est pour y tracer avec une précision chirurgicale des lignes de fuite spatio-temporelles qui donnent à cette musique une profondeur de champ - de chant (!) - à nulle autre pareille. Ainsi, par sa pluralité, celle-ci affirme-t-elle son identité : sans cesse différente et pour toujours universelle. Avec cette somptueuse célébration en deux actes, WVB fait bien mieux qu'entretenir la flamme d'un folklore ancestral : il en ravive le cœur dans un feu de joie qui rayonne et illumine jusqu'au firmament. Sublime !

goummo
9
Écrit par

Créée

le 18 oct. 2017

Critique lue 75 fois

2 j'aime

goummo

Écrit par

Critique lue 75 fois

2

Du même critique

Le Seigneur des porcheries
goummo
9

Le Monde comme une ébourrifante giclure de merde

...ou une imposante satyre aux allures de comédie sociale, sur les bas-fonds d'une humanité des plus dégueulasses. Il est grand temps pour tous de plonger dans ce prodigieux ouvrage, débridé et...

le 1 oct. 2010

13 j'aime

La Jeune Fille à la perle
goummo
8

La lenteur comme véhicule...

Je ne sais pas trop comment me l'expliquer...L'heure tardive du visionnage , la chevelure cachée de la magnifique Scarlett offerte comme un présent dans un instant hallucinant de beauté picturale, la...

le 23 nov. 2010

6 j'aime

Mammuth
goummo
8

Sacré dudule

Serge Pilardosse aka Mammuth vient d'avoir 60 balais, il est au turbin depuis ses 16 ans...Faites le compte : 44 piges à trimer comme un sourd. Et ses collègues d'abattoir de lui offrir un pot de...

le 14 nov. 2010

6 j'aime

1