Visions of a Life
7.3
Visions of a Life

Album de Wolf Alice (2017)

Dans un pays aussi peu rock que la France, Wolf Alice n’évoque rien pour la majorité. Seuls les plus informés ont déjà entendu parler de ce petit groupe londonien qui fait pourtant un carton dans son pays d’origine. My Love Is Cool fut numéro 2 des ventes en Angleterre et il en est de même pour leur second album, Visions of a Life.


Un succès pour le moins étonnant. Non pas qu’il ne soit immérité (au contraire), mais que du rock alternatif autant inspiré des années 1990 fasse un carton aujourd’hui, ça reste un sacré anachronisme. Serait-ce finalement un signe du déclin progressif du rock au point que celui-ci s’acharne à retourner de plus en plus souvent vers son passé depuis des années ? C’est possible. Cependant, j’aimerais également croire qu’on s’est finalement détaché d’une attente de nouveauté à tout prix pour s’attarder sur l’essentiel : la qualité. Car Visions of a Life est d’une grande fraîcheur pour une musique censée être revivaliste. Les singles partis en éclaireurs sont même des tubes en puissance !
L’explication est toute bête : Wolf Alice a juste beaucoup de talent. Au point qu’on avait oublié à quel point ça faisait du bien d’entendre du vrai rock alternatif. C’est-à-dire un rock éclectique, recherché, sale et accessible au plus grand nombre. Par conséquent, ils passent, haut la main, ce difficile palier du deuxième album.


La première étape expliquant cette réussite, c’est le choix du remplacement du producteur Mike Crossey par Justin Meldal-Johnsen. On perd donc ce son un peu FM qui ne mettait pas toujours bien en valeur la puissance du quatuor lors de ses embardées punk.


Deuxième étape, une variété rendant leur musique plus riche et ambitieuse que la moyenne. Cette volonté de multiplier les pistes était pourtant très critiquée par certains sur leur premier disque. Celui-ci confirme qu’il ne s’agissait pas d’un manque de personnalité ou d’une façon délibérée de se trouver un style, mais bien une composante faisant leur force. Les influences primordiales de leur rock alternatif restent les mêmes (le shoegaze, la dream pop et le grunge). Cependant, d’autres se greffent à celles-ci et elles sont toutes convaincantes. Qu’elles soient new-wave (« Sky Musings »), pop rock (« Beautifully Unconventional » qui tournerait en boucle sur nos radios si nos programmateurs avaient un tant soit peu de goût), folk, (« Planet Hunter »), heavenly (« After the Zero Hour »), noise rock/post-hardcore (le furieux « Yuk Foo » dont le choix en tant que single est très couillu) et rock progressif (la dernière piste et ses sept minutes faisant très Alice in Chains version prog avec une nana au micro).
S’il est étrange de la part du groupe d’avoir aligné ses singles dès le début du disque, sachant que les trois premières chansons sont le meilleur moment musical de 2017, quelques écoutes suffisent pour se rendre compte que tout le reste tient solidement sur ses pattes. Mieux que ça, il est excellent. Tout comme chez Ellie Rowsel, il n’y a pas de gras. Si certains titres récoltent moins les faveurs de la majorité que d’autres, parler de remplissage serait provocateur.


Enfin, troisième et dernière étape, peaufiner sa recette avec un soupçon de maturité. Ce qui s’entend immédiatement dans ces compositions élaborées (le morceau titre, « St. Purple & Green », « Sadboy ») et surtout dans le chant d’Ellie Rowsell. On savait qu’elle avait une jolie voix et surtout qu’elle était une très bonne interprète mais là, ça dépasse l’entendement. Qu’elle hurle ou qu’elle se fasse suave, elle met toujours dans le mille. Même quand elle se contente de parler, c’est un régal pour les oreilles.
Vous n’êtes pas convaincu ? Alors faites un tour sur YouTube, tapez « Sky Musings » dans la barre de recherche et pleurez. Rowsell pourrait réciter l’annuaire que le résultat serait le même. Et quand surgit une nappe de synthétiseur à faire lever Edgar Froese de sa tombe, c’est l’orgasme, la joie, le frisson. Bref, quand une musique vous implique autant émotionnellement, c’est qu’on a affaire à quelque chose de grand. Pas à une bande lambda.


Attention toutefois, si Wolf Alice enfonce la concurrence (laquelle ?), on peut être un poil critique en regrettant qu’ils n’aient pas plus écrit de décharges électriques hardcore à la « Yuk Foo » pour dynamiser un disque, certes, passionnant mais peut-être trop posé pour les auditeurs les moins patients.


Seulement, c’est vraiment pour trouver un défaut à la meilleure sortie de 2017.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
8
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le 29 déc. 2017

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