Warp
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Warp

Album de New Musik (1982)

Une teinte crépusculaire envahit le dernier album de New Musik. Si le groupe n'a jamais tenté de dissimuler la tristesse inhérente à leur musique, il était toujours possible de ressentir une volonté de dépassement, un refus de plonger dans la mélancolie pure en l'enrobant astucieusement de contrepoids émotionnels, tels ces rythmes martelants ou ces synthétiseurs cristallins. Sur "Warp", le cœur ne semble plus y être. L'affliction, autrefois reléguée aux paroles, déborde sur la musique. Les morceaux tournent autour de gimmicks rapidement identifiables, parfois un peu trop entêtants, telle cette étonnante reprise du "All You Need is Love" des Beatles. "Love is all you need" finit par se répéter à l'infini jusqu'à en devenir franchement malsain, comme si s'exposait la difficile réalisation de quelqu'un voyant l'apparente solution à son mal-être devenir de plus en plus inatteignable au fil des mesures. Aucun titre ne semble vouloir se démarquer de la masse, impression renforcée par la vigueur avec laquelle s'enchaînent les morceaux, aucun n'ayant ni introduction ni conclusion à proprement parlé. Une impression de dureté se dégage alors, "Warp" s'imposant comme le plus brut des trois albums du groupe anglais.


New Musik reste cependant fidèle à son patronyme. Aucun hasard à voir dans un tel choix. Tony Mansfield, la tête pensante du groupe, est un explorateur. Fin connaisseur des synthétiseurs les plus innovants de son époque, il pousse ces derniers dans leurs retranchements pour offrir parmi les paysages électroniques les plus fascinants de ce début des années quatre-vingt. Incursions sonores parasites, pistes inversées, déformation des voix, jeux sur les textures du son... Après le départ de leur bassiste Tony Hibbert, la musique de Mansfield perd en organicité et l'approche se radicalise, s'affirmant encore plus synthétique qu'elle ne l'était déjà. L'album est d'ailleurs l'un des premiers à être produit de manière entièrement numérique.


C'est sur la face B que s'exprime avec splendeur tout le talent du groupe. Peut-être sentaient-ils que la fin arrivait, qu'il fallait tout donner avant de voir son monde disparaître e titre éponyme, qui clôt l'album, se termine sur une prémonition de destruction : "I got the feeling, it's begun to warp". Dans ses dernières mesures, le morceau se verra interrompre par différents parasites techniques avant de laisser place au silence. New Musik n'est plus et ne sera plus jamais, s'autodétruisant sous le poids des technologies qui l'ont vu naître.


Mansfield, lui, existera toujours et nous pourrons le suivre dans son travail de producteur, collaborant avec d'autres fleurons de son époque tels a-ha, Yukihiro Takahashi ou Aztec Camera. La nouveauté sait toujours se réinventer.


"Kingdoms for Horses" : https://www.youtube.com/watch?v=Qq548g3uwgg


"Going Round Again" : https://www.youtube.com/watch?v=WWMHRO3u7as



Mellow-Yellow
7
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le 13 déc. 2023

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