The 1975. Un groupe aimé, adoré, détesté, jugé tantôt superficiel ou arriviste, tantôt qualifié de génies avant-gardistes. Je penche pour le deuxième. Leur deuxième album sorti en 2016 m'avait grandement séduite de part son caractère novateur et éclectique, (parfois à la limite de l'écoeurement mais…) profondément jouissif. Celui-ci suit la veine du deuxième c'est-à-dire beaucoup plus transgressif, se voulant une réflexion acérée sur notre génération (les millenials) et bien-sûr les "online relationships" ou le mal du siècle. Si l'on passe brièvement sur la musique qui à elle toute seule est réellement inspirante car exploitant à l'extrême les outils en raccord-même avec le sujet : l'électronique, l'overdose d'autotune, une musique robotique qui se mêle à la nostalgie vintage d'une époque révolue mais revisitée depuis l'année dernière (les années 80-90 aux ondes à la Sade). La forme sert le fond, c'est le moins que l'on puisse dire dans cette album où un homme solitaire se confie à son robot jusqu'à le prendre pour meilleur ami et lui envoyer des photos de son pénis (oups) (The Man who married a robot) ; dans TOOTIMETOOTIME un couple se reproche mutuellement d'avoir des relations virtuelles avec d'autres gens ("I only call her one time () maybe it was two times" et "You text that boy sometimes !") ; dans Give Yourself a Try un jeune homme (Matthew Healy ne se cache pas vraiment dans cette chanson) devenu célèbre et cocaïnomane vit mal le tournant proche des 30 balais et fais un bref résumé des erreurs à ne pas commettre dans la vingtaine tout en reconnaissant que lui continue à les faire ( "And spend obscene amount of fucking seeds and beans onlyne" la métaphore ne laissera de marbre personne car étant tous dans cette situation). L'album entier est une revendication de "modernity has failed on us" où un raz-le-bol général de ce monde viscéral et absurde où l'on fait l'amour dans la voiture tandis que la guerre éclate à l'autre bout du monde. Tout le rappel, chaque track étant bercée par cette litanie asphyxiante d'un modernisme abusif et vomissant une électronique destructive où le coeur lui-même est de la ferraille : on y compte une semi-instrumentale virant du rosée comptine au trip de 3h du mat (How to Draw/Petrichor) où le chanteur encore une fois donne des conseils qu'ils recommande de ne pas suivre tout en continuant tout de même de mettre en garde contre internet et en lançant un tip qui ne manque pas d'intérêt "They can't take anything as long as it's true/What they can't take is you telling them lies" ; une satire hurlante de la modernité (Love it if we made it) comprenant le sérieux manque d'honnêteté à l'âge adulte (Sincerity is scary), l'amérique de Trump résumée en "kids don't want rifles, they wan't Supreme" (I like america and america likes me), l'amour virtuel inquiétant comme vu plus haut faisant références entre autres à des films comme Her ou à Black Mirror (The man who married au robot/Love Theme).
Inside your mind étant selon moi le chef-d'oeuvre de l'album mettant en scène un amour viscéral d'un homme envers une femme, à tel point que celui-ci désire être en elle et "dans" elle, c'est-à-dire son esprit, son âme, rêvant même d'enfin la posséder un jour en la tuant "I have dreams where there's blood on you/All those dreams where you're my wife", tout en faisant une allusion direct à l'intelligence artificielle et au progrès de la science, d'un jour prochain où l'homme pourrait enfin concrétiser son fantasme récurrent : être dans la tête d'autrui. Une track où le pouvoir métaphorique est à double sens et à analyser de manière multiple.
I always wanna die (sometimes) éclaire selon moi bien le propos de tout l'album en concluant sur cette note semi-sombre, d'un homme ayant fait le tour de sa vie, de sa génération, de ses désirs et désespoirs, et qui malgré le désir de chasser cette envie de mourir, celle-ci revient en boucle et toujours plus puissante : l'envie de mourir tout le temps mais seulement de manière ponctuelle (dualité always/sometimes) si bien qu'elle n'est jamais vraiment réalisée ni tout à fait enfouie.
Une perspective d'un homme arrivé à l'âge décisif des 30 ans où tout se joue encore mais où tant de choses ne peuvent être déjouées : on aurait bien envie de reprendre un verre whisky pour faire passer la pilule,
Ah merde "whiskey never starts to taste nice". On avait oublié.

StellaMaëlys
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le 7 déc. 2018

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