Ce qui devait arriver un jour est finalement survenu plus tôt que je le croyais. Me voilà contraint à reprendre contact avec un des artistes de mon adolescence. Exactement comme les personnes ayant le double de mon âge qui assistent aux reformations de leurs vieilles légendes. Décidément, quelle drôle d’époque nous vivons…


Quoi qu’il arrive, le retour de Leftfield est un événement. L’auteur de (seulement) deux albums dans les années 1990, dont l’un qui est une des plus grandes œuvres de la musique électronique moderne.


C’est loin tout ça. L’électro a tellement changé aujourd’hui que cette réapparition soudaine nous laisse dans une profonde perplexité. Car ce qui a toujours fait le génie et le mérite de ce duo, c’était sa démarche de réconciliation entre musique blanche et noire. Entre le dub, la house et la techno pour prendre un exemple précis. Une attitude découlant logiquement des origines de cette musique électronique. Quand des jeunes noirs de la cité industrielle de Detroit s’inspiraient de Kraftwerk pour n’en garder que sa pulsation rythmique et modelaient ainsi leur musique à l’image de leur ville : froide, rythmée et dont l’humanité était dominée par les machines.


Les démarches transgenres existent depuis bien plus longtemps que ça et elles n’ont jamais été aussi présentes aujourd’hui. Alors accueillir Alternative Light Source dans ses esgourdes ne peut se faire qu’avec un long soupir. Laissez donc mes idoles d’adolescence où elles sont ! Je n’ai pas envie que vous salissiez mes souvenirs, vils personnages ayant des impôts à payer !


Pourtant, ce disque n’est pas mauvais. On peut même être étonné par la qualité de ses premiers morceaux. « Bad Radio » est excellente et nous remémore un son que l’on croyait définitivement perdu ces derniers temps. Celui de la techno 90s. Cette période où on imaginait le futur complètement high-tech et parfait. Bienvenue dans un monde cyberpunk où l’homme moderne danserait dans un univers glacial et sans aspérité. Ça peut prêter à sourire aujourd’hui. Cependant, ça a toujours plus de gueule que l’électro parfaite mais vide de magie que beaucoup (trop) font aujourd’hui. Avant, nous avions Matrix. Maintenant, on a The Social Network. Un changement à méditer.


« Universal Everything » rendrait justement encore plus nostalgique de ces années puisque c’est le meilleur titre. Le style de composition rappelant que pour faire un génial moment de techno/house, il suffit d’un bon beat et d’effets sonores bien choisis… La nuance étant dans le "choisis". Encore un peu et on pourrait conclure que ce dernier né pourrait se montrer à la hauteur de ses grands frères. Leftfield ressort les voix féminines sur « Bilocation » et « Head and Shoulders » fait resurgir leurs tendances cyber-afro puis… finit par lasser. Les Anglais ressassent une formule. Une formule qui a fait ses preuves, qui a fait leur identité mais n’ayant aucunement sa fraîcheur d’antan. Comme le niveau des compositions baisse au fur et à mesure que l’on progresse dans cette sortie, le désintéressement nous gagne rapidement.


Certes, les instants atmosphériques tels que « Dark Matters » ou « Storms End » (dont la ressemblance avec le magnifique « Storm 3000 » n’est pas que dans son titre) sont jolis sans toutefois être transcendants. Quant aux pistes les plus rythmées, elles n’ont pas l’intensité de l’entame de l’album… Quand il n’y a pas des choix douteux à l’instar de la voix trafiquée rapidement agaçante de « Little Fish ».


Alternative Light Source est du boulot de maçon. Irréprochable dans les grandes largeurs mais également brute de pomme et sans charme. Un comble pour un groupe dont l’identité était très forte. Vous m’excuserez donc de ne pas me sentir concerné par sa parution n’ayant pas fait beaucoup de bruit. Leftfield n’a pas évolué et moi si. Cette nouvelle rencontre entre eux et ma personne s’avère être un échec et me pousse à passer à autre chose. Sans regret.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 18 déc. 2015

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