Tel le phénix, Serge a toujours su renaître de ses cendres, embrasser son époque, et donner la leçon aux petits jeunes qui se tapent la frime. Il ne faut pas suivre la mode, mais la précéder, leçon numéro 1. Là, il a eut la préscience d’un médium africain, Serge. Qui d’autre que lui aurait pût imposer à sa maison de disques, un album REGGAE, surtout à l’époque ? Personne. Il n’y avait que Serge pour y croire, et réussir l’essai. Pour bien mettre les choses au point, il commence par un clin d’œil au passé. La fameuse javanaise, Javanaise remake, ou Javanaise Reggae. Et suit avec une bombe atomique, le devenu culte : Aux Armes Et Cœtera, qui a réconcilié l’hymne national, avec tout le monde connu, sauf les paras, et les durs de la feuille, ou les coincés du cul, et du drapeau. Relecture du texte original, entre poésie et provocation, Serge dans toute sa splendeur. Et c’est pas finit.


  La beauté cachée…des laids, des laids. Se voit sans délai, délai. Punchline, inspiration, et autoportrait en homme à la tête de chou qui a un gros spiff à la main, avec les I Three dans les chœurs, (excusez du peu), qui font : delayy, delayy…. Du grand art. Un juif d’origine russe qui va à Kingston enregistrer un album reggae, avec la meilleure section rythmique de la planète reggae. Je donnerai gros pour voir la tête des rastas quand ils l’ont vu débarquer. « Mais d’où il sort, ce frenchy ? Il est fou ! Ça ne va pas marcher ! »


    Sly and Robbie, à la rythmique, et les choristes de Bob Marley, c’est déjà lourd, manque plus que les compos pour prendre de la hauteur. Sont-elles à la hauteur ? Et on constate que Serge pense le reggae comme il penserait un cha cha cha, ou une pop-song, en musicien talentueux, qui sait toucher à l’essence d’un truc, comme ça ! Quand j’ai écouté cet album pour la première fois, j’ai halluciné. Trop fort ce gars. L’un des meilleurs albums reggae que j’ai entendu, quand on se rend compte de l’écart culturel, réel ou supposé, entre notre héros (maintenant devenu icône nationale), et les jamaïcains qui ne connaissent de lui que le lointain : The t’aim’ moi non plou ?


  Il arrive à tout remixer en reggae. Aucune hésitation aucune. Le standard jazzy, Vieille Canaille( You Rascal You), la ballade reggae : Relax, Baby, Be Cool, bien nommé. Le scato, Eau Et Gaz A Tous Les Étages, (on ne se refait pas, hein, Serge ?) Pour arriver à la confession, au doux swing qui balance : Pas Long Feu Ici. Humour, légèreté, talent mélodique inné, des mélodies qui restent pour toujours dans le crâne. Et il ne se fait pas bouffer par sa section rythmique omniprésente, mais d’une sobriété infernale. Et c’est lumineux. Enjoy !


   Pas de remplissage, pas d’erreurs, pas de clichés. Il comprend parfaitement la syncope reggae. Sa nonchalance feinte de dandy mal rasé fait merveille. Et il est amené à la Brigade Des Stups.


       A la bridage des stups. Ils ont cherchés mon spiff. Ils ont trouvés mon zob. LOL.


   Le groove séducteur de Lola Rastaquouère, rasta… Le dub génial, Marilou Reggae Dub, orignal, rude boy ! Pas de doute, en 1979, Serge est jamaïcain. C’est peut-être pour ça que la Brigade des Stups intervient. A  la bridage des stups…Ils ont cherchés mon spiff…etc. Hé oui ! L’hymne roots rock :  Daisy Temple, écrit par Lee Perry et vendu en cachette à Gainsbourg, car c’est trop jamaïcain pour être du Gainsbourg. Ne rigolez pas. Je sais ce que je dis. Dans vingt ans, les archives vont ressortir, et les langues se délier.


     Blague à part, je l’ai ré-écouté exprès pour en faire la critique, ça fait des années que l’album je ne l’ai pas sorti de l’étagère. Pas une ride. Même pas une petite ride d’expression. Un des meilleurs albums reggae que je connaisse, qui a servit de rampe de lancement pour lancer le mouvement en France, avec fracas. Il y a bien plus que le « scandaleux », Aux Armes…La Marseillaise, passé à l’essoreuse afro-reggae. Alors marchons. Marchons. Un gros spiff à la main…etc. Qu’un son impur, abreuve nos sillons auditifs. Aïlé Serge…Ave.

Angie_Eklespri
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le 14 août 2015

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