La Nuit obscure de l'Âme représente la période plus ou moins longue de vide spirituel pendant laquelle la foi vacille, avant le retour triomphal des certitudes divines. Il est alors particulièrement symbolique de choisir une lecture du poème éponyme de Juan de la Cruz pour introduire le disque, 20 ans de silence s'étant écoulés depuis Paradis. Difficile d'imaginer les déserts traversés par la formation anglaise durant tout ce temps, et dans quelle mesure leurs croyances ont pu trébucher. L'Armée Révolutionnaire n'a jamais fait mystère de sa foi chrétienne, y puisant depuis les années 80 l'inspiration pour ses mélodies hantées, mais n'en dira pas plus. La rédemption s'affiche triomphalement à l'aube : la Beauté sauvera le Monde.


D'entrée, Song of the Soul comble instantanément le gouffre creusé par les années d'absence, lorsque les cordes se tissent avec les voix pour soutenir l'envolée d'esprits bienveillants qui ne se reposeront jamais tout à fait. Rien ne semble avoir vraiment changé depuis l'époque de The Gift of Tears. L'auditeur intrigué voulait alors les situer quelque part vers Dead Can Dance ou Current 93, sachant pourtant pertinemment avoir un autre monde entre les mains. Gothique, neofolk, tribal, expérimental, sacré, unique. Jon Egan affirme que ces sources disparates ne nourrissent pas la déconstruction, mais au contraire sont fondamentales dans la recherche de la connexion entre toutes ces manifestations de la Beauté. L'esprit de l'auditeur peut alors être le fameux prisme dont parle Arvo Pärt : celui qui permet de séparer la lumière blanche dans laquelle sont contenues toutes les lumières.


Sur la pochette, la photo rend hommage à Simone Weil, philosophe mystique dont les écrits ont eu une importance particulière pour le groupe. "La beauté séduit la chair pour obtenir la permission de passer jusqu'à l'âme". Les références culturelles ont toujours été légions, d'évidence Dostoïevski et Buñuel, puis beaucoup d'autres, et d'autres, évoquant ces entrelacs de styles, de langages, d'ambiances ou d'inspirations qui au final dessinent une toile à l'esthétique aussi simple et évidente que ce regard. Rien ne leur ressemble et leur présence apaise jusque dans ces dernières notes qui s'étirent au-delà de la perception. Le mystérieux collectif jette alors un dernier regard sur notre Monde et replonge se cacher sous son voile, cet obscur objet du désir.

Vazkeizh
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le 11 avr. 2017

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