Oui, 18/20, c'est radical. J'assume totalement ma note. Black Celebration, je ne l'aimais pas du tout au début, il était un peu trop sombre et un peu trop chiant. Mais derrière sa couche abusive de reverb..un album radical lui aussi. Depeche Mode ne repoussera le bouton aussi loin qu'avec Songs Of Faith And Devotion, puis plus rien. Vu comme ça, Black Celebration peut être considéré comme un des deux plus grands sommets artistiques de la carrière du groupe? Dans un sens oui.
Ca ne veut pas forcément dire qu'ils sont les meilleurs (mais je vais quand même oser le dire), mais qu'une démarche a été faite, et jusqu'au bout.

Replongeons-nous dans le contexte :
Depeche Mode, après une tournée triomphale all over the world, sort un single transitif à l’occasion de la sortie de leur premier best of Singles 81-85 : Shake The Disease. C’est une très bonne chanson, très pop, passablement mélancolique, le groupe continue de grimper.
Puis le moment vînt de retourner en studio pour le 5e album, avec la même équipe toujours et cette fois ci un but bien précis : se couper de toute vie sociale (j’exagère quand même un peu) jusqu’à la fin de l’enregistrement de l’album. Le sampling est déjà dépassé, donc il est plus difficile d’innover et de s’amuser. Gareth Jones veut noyer l’album de reverbs, parce que pour lui ambiance=reverbs.
Des tensions naissent dans le studio et l’album met du temps à venir, notamment lors du mixage (mettre les rythmes en avant ou pas ? ce ne sera pas le cas pour la plupart des titres..) et lors du choix de la pochette (vous avez remarqué comme elle est moche ?) dont l’image finale était si loin de l’idée d’origine qu’elle fît déprimer l’équipe entière.
Il y a donc une volonté d’avancer, de proposer du neuf. Voyons voir le produit fini…

Le premier morceau éponyme met un peu de temps à venir, on entend la voix de Gahan très diffuse, d’autres voix trafiquées, avant que la boucle si reconnaissable du morceau arrive suivie du chant. On pense à If You Want de l’album précédent (toujours cette manie de rappeler l’album précédent..) pour le côté répétitif des refrains, son côté « hymne ». Ce morceau est définitivement un des plus emblématiques du groupe.
Depeche Mode n’a rien perdu de son savoir faire question sampling, preuve en est la deuxième piste : Fly On The Windscreen, un des morceaux les plus lents produits jusqu’ici, un des meilleurs encore ici, et sombre au possible. L’album s’annonce froid et triste, ce sera le cas jusqu’au bout.

Une autre particularité de cet album est d’avoir le record de chansons chantées par Gore lui-même : 4. Pire : 3 d’entres elles sont collées en début d’album ! Ca commence donc avec A Question Of Lust.
Bon ok, c’est pas la meilleure chanson de Gore, un peu trop guimauve, mais il faut plutôt prendre cette piste 3 comme une bouffée d’air au milieu de tant de mélancolie.
Puis les choses sérieuses commencent (ou tout du moins les plus ôsées) avec Sometimes. On est très loin de son équivalent sur Some Great Reward qu’est Somebody. Sometimes est fouillis, très court, noyé de résonance et vient naturellement à la suivante : It Doesn’t Matter Two (encore en référence à « Reward » et it Doesn’t Matter..forcément).
Ne vous attardez pas sur le caractère agaçant du son des voix synthétiques, tout est calculé. Et malgré tout, ce morceau est un des plus énigmatiques de l’album, et on est toujours au début de l’album, le meilleur n’est pas passé.

Mais au fait..vous avez remarqué ? Non ? Mais si, écoutez bien !.. Pas un seul son de percussion ou de rythme depuis plusieurs minutes ! déjà discret sur Black Celebration, très lent sur FOTW, et minimaliste sur A Question Of Lust, le rythme disparaît presque jusque la 6e piste : A question Of Time, graaaand classique du groupe! On retrouve les habitudes New Wave de Depeche Mode dans un morceau endiablé (pardonnez moi cette expression) ou il fait tout drôle de retrouver la voix de Dave Gahan après trois chansons de Martin Gore..ce n’est définitivement pas un album habituel.
Et puis soudain un autre classique, et sommet de l’album, Stripped. Le single dont les Ricains ne voulaient pas (qui ont préféré sortir la face B en single et inversement..quel faute de goût les enfants !).
Un rythme hypnotique, des lignes de voix et de synthés géniales, un démarrage et une fin idéales..Il faut l’écouter pour comprendre.

Après un bon bloc en digestion, un peu de légèreté s’impose.
C’est donc le moment de se taper Here is The House, une des petites faiblesses de l’opus, mais bien loin devant les erreurs de jeunesse, bien heureusement. Elle reste un morceau sympathique aux bonnes mélodies qui sans le savoir faire de l’équipe aurait pu être bien trop positive pour l’album. Pas de casse, encore un miracle.

World Full Of Nothing est une perle de mélancolie, minimaliste, qui sera jouée à la guitare quelques années par Gore lors des concerts. C’est le 4e morceau chanté par Gore, le meilleur aussi sur l’alboum.
Et pour finir, deux histoires de fringues. On se demande si la répétition du mot « Dress » est voulu en cette fin d’album, je préfère penser que oui.

On a presque fini l’album et..aucun single facile n’a circulé, et ce ne sera toujours pas le cas avec ces deux derniers titres..Dressed in Black rappelle la froideur du début de l’album, avec en prime une belle performance vocale du leader, et New Dress est tout à fait le genre de morceau sur lequel il ne fallait pas finir l’album. Mais c’est le cas, et je trouve ça très bien. Il est puissant, un peu bizarre par endroits et toujours aussi mééélaaaancoliiiiique..jusqu’à se terminer sur le son d’ouverture de Stripped (clin d’œil ou repompage ? Allez clin d’œil..).

Pour le label, ça sent le roussi.., car malgré la qualité artistique de la majorité des titres, l’album est très court, il y a vraiment peu de rythmes francs, peu de singles possibles (Question Of Time sera remixé façon techno hit ’86, stripped sera mit de côté, ..), sans oublier la mésaventure de la pochette de l’album : elle a tout simplement faillit être la plus laide depuis leurs débuts !

C’était sans compter sur le facteur chance : l’album est une merveille, le succès est énorme, la tournée qui suit ravi les millions de fans.

Voilà, c’est fait.

+une structure unique et ôsée
+beaucoup de merveilles
+le chant presque partagé à parts égales en Gahan et Gore
+forts contrastes dans la dynamique de l’album

-un peu court..(est-ce vraiment un point faible ?)
YynnkK
9
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le 26 oct. 2014

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YynnkK

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