À 66 ans, la Diva des Dépossédés frappe à nouveau avec un album, composé de deux morceaux, digne de ses premiers travaux, où sa voix reste impeccable, pourvue d'une force impressionante qui porte une volonté artistique singulière et sans concessions, fidèle à ce qu'elle avait pu accomplir avec Les Litanies de Satan.

Cette fois, les poèmes de Georg Heym succèdent à ceux de Charles Baudelaire et de Tristan Corbière pour nous plonger dans un voyage intense et sans compromis. À la manière de Dante, avec les mots ou Bosch, avec la peinture, Galás nous livre une représentation de l'Enfer, avec des sons, qui ne sont pas sans rappeler certaines compositions de Iannis Xenakis.

Certes la musique de Galás n'est pas calibrée pour toutes les oreilles. Parce qu'elle est exigente, difficile d'accès, unique aussi, également parce qu'elle peut être éprouvante et provoquer une certaine anxiété chez son auditeur. Comme chez Lars von Trier, au cinéma, la cantatrice-compositrice refuse le confort à son audience, bien qu'elle soit capable des plus grandes beautés (par exemple, les prouesses d'acrobaties vocales que sa voix de soprano (de 3.5 ~ 4 octaves, quand même !) est capable d'accomplir, avec L'Héautontimoroumenos, notamment.)

L'intérêt, ici, réside dans l'aspect transcendental et cathartique que sa musique nous permet d'atteindre en nous exposant frontalement les horreurs dont l'humanité est capable, nous forçant ainsi à les reconnaître, avec cette voix de rage qui érige notre Artiste au rang des figures mythologiques vengeresses, comme les harpies, banshees ou autres furies, elle se fait la porte-parole des maux de notre monde (Guerres, Maladies, Isolation, Désespoir, entres autres.). Et nous livre, en ces œuvres un terrain pour y exprimer nos ressentiments les plus forts.

Avec cet opus, Galás évoque les ravages de la guerre et nous rappelle que l'histoie se répète, en citant des poèmes de Georg Heym, elle suggère une représentation métaphorique de ces soldats revenus de la guerre mutilés, défigurés, hantés par les visions abjectes de leurs souvenirs traumatiques, dont leurs corps en sont l'incarnation vivante, et tourmentés. Avec ses techniques sonores et la gestion de sa voix, elle érige ces mêmes mots dans un univers pestilentiel (que représente merveilleusement cette pochette) à l'ambiance cauchemardesque et crée une fresque de terreur que l'on peut considérer comme une représentation de l'enfer.

À 66 ans, la grande Diamanda Galás n'a rien perdu de sa puissance, de sa prestance et de son ambition Artistique, porte vers des paysages sonores uniques et vertigineux. Elle est une figure incontournable de l'Art musical, une icône de l'Avant-Garde. Et il semblerait bien qu'elle ne puisse s'essoufler.

J'espère avoir, un jour, l'honneur de pouvoir mettre en images son univers sonore. J'espère, tout autant, qu'elle continuera de nous livrer des travaux de si grande qualité.

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le 29 août 2022

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