Caramel
6.4
Caramel

Album de Connan Mockasin (2013)

 Après le succès aussi surprenant que retentissant de son premier album Forever Dolphin Love, l’éclectique Néo-Zélandais aux cheveux de platine et à la voix d’hélium revient en douceur sérénader nos cœurs et nos oreilles avec son très sucré Caramel, un album aux teintes psychédélico-érotique dont lui seul a le secret.
Difficile de décrire brièvement Connan Mockasin à qui ne le connaît pas encore tellement il détonne dans le paysage musical moderne. Timide extravaguant, loufoque tempéré, hypersensible aux airs je-m’en-foutistes, ce passionné de musique débute sa carrière sur conseils (insistants) de sa maman qui voit en lui un certain potentiel. Pour lui faire plaisir, Connan se lance alors dans la création de son premier album Forever Dolphin Love. Il lui permet de se faire connaître du grand public et d’entamer sa carrière de musicien professionnel aux côtés de Charlotte Gainsbourg, pour qui il compose des titres, avant de l’accompagner en tournée avec son groupe en Mai 2012. À partir de Novembre 2012, l’insolite chanteur de « pop psychédélique » se retrouve à faire la première partie de Radiohead durant la totalité d’une de leurs tournées. Ainsi propulsé sur le devant de la scène par le mythique groupe de rock britannique, Connan se donne une fenêtre d’un an pour composer un nouvel album, en solitaire.
C’est en Novembre 2013, à l’issu d’un mois enfermé dans une chambre d’hôtel japonaise à y enregistrer son deuxième album que Connan nous livre le doux Caramel, dont nous allons parler aujourd’hui.
Cette sucrerie auditive, composée dans le plus grand des conforts par Mockasin a pour point de départ une idée simple qu’il expose ainsi lors d’interviews pour Noisey et Le Bonbon :


J’aimais bien le nom “Caramel”, alors j’ai décidé de faire de la
musique autour du mot. Je me posais la question : à quoi ressemblerait un album appelé Caramel ? Je le voulais fluide, séduisant.



 Mission accomplie pour le néo-zélandais au charme hypnotisant qui nous enchante à grand renfort de lignes de basses sensuelles et groovy, d’accords scintillants et éthérés ou de mélodies fragiles sublimées par sa voix de castrat d’un nouveau genre.
L’album, subtilement construit, débute avec le titre Nothing Last Forever en guise de prolégomènes. Cette première piste brumeuse sert à la fois de transition avec le projet précédent de Connan Mockasin en reprenant de manière onirique les thèmes musicaux de son tube Forever Dolphin Love, tiré de l’album éponyme ; mais il marque surtout une véritable rupture avec ce dernier, stipulant volontairement dans son titre que rien n’est éternel. Connan indique ainsi habilement qu’il tourne définitivement la page, qu’il se détache des éventuelles attentes de ses auditeurs, ne souhaitant pas se reposer sur les lauriers de son premier succès, sans pour autant l’oublier ou le renier.
S’en suit la première partie de l’album, composée des trois titres les plus marquants de l’ensemble : Caramel, I’m The Man That Will Find You et Do I Make You Feel Shy?. Titres les plus marquants car deux d’entre eux sont devenus les égéries de l’album après avoir été choisis comme singles à clipper ; et le troisième, morceau éponyme du projet, en représente l’essence même, le substantifique miel si je puis dire, par son nom et ses sonorités caramélisées. Les trois titres partagent un rythme lent, des mélodies lancinantes et voluptueuses, des lignes de basses épurées mais terriblement efficaces, et surtout une ambiance follement sexuelle, lubrique sans pour autant être vulgaire. C’est précisément à travers cette aptitude à nous plonger dans des atmosphères si bien construites, que l’on reconnaît toute la subtilité et le talent de Connan Mockasin.
Le titre suivant, Why Are You Crying? s’inscrit directement dans la lignée des trois précédents en nous faisant réaliser que la progression de l’album était probablement calquée sur celle d’une séduction avec titre après titre le premier regard, la drague frontale, les préliminaires et désormais l’amour maladroit parsemé d’éventuels chagrins pour le moins ambigus. Par ailleurs, il n’est pas étonnant d’entendre des « sanglots » équivoques ponctuer ce Why Are You Crying? aux doux airs de Je Suis Venu Te Dire Que Je M’En Vais lorsque l’on connait la proximité de Connan et Charlotte Gainsbourg, dont l’ombre de L’Histoire de Melody Nelson (1) de son père semble planer au-dessus de l’album. Simple influence ou véritable hommage, à vous de juger. Pour autant, bien que dans la continuité de la première partie de l’album, ce titre se démarque progressivement et entame une transition vers ce que notre kiwi excentrique fait de meilleur : le psychédélisme instrumental.
S’ouvre alors le quintyptique It’s Your Body qui s’écoute et se vit plus qu’il ne se décrit. Connan nous propose là une sorte de voyage onirique qui petit à petit s’éloigne de la luxure d’origine pour mieux y revenir plus tard, en cinquième partie du tableau. Cette confortable transe semble autant proposer une ébauche de réflexion sur notre rapport au corps, qu’une simple représentation musicale d’un trip halluciné se concluant par le réveil embrumé de notre sosie d’Alex Lutz sous ecstasy. Pour qui ne s’adonne pas aux plaisirs illicites de la drogue cette partie est peut-être la plus ennuyeuse de l’album, ou plutôt la moins « agréable » bien que ce ne soit sans doute pas l’effet recherché par l’artiste. En effet, il aurait été stupide de préférer un segment psychédélique raccourci puisque sa force réside justement dans son long processus d’immersion au sein d’un rêve coloré. Au final, on peut dire que l’appréciation de ce quintyptique sonore dépend en quelque sorte de celui qui l’écoute et de son état à ce moment précis.
Enfin, c’est tout naturellement que cet album lascif se clôt par une déclaration d’amour, une véritable effusion de promesses enivrantes et d’invitations à la vie à deux. Musicalement, I Wanna Roll With You reprend tous les codes établis en première partie d’album, comme pour y répondre après l’interlude extatique de la seconde partie : ligne de basse suave, accords scintillants, paroles épicuriennes et voix de contre-ténor sauce soft rock psychédélique. Tout y est. Ce dernier titre est une coda délectable, à l’image de l’ensemble du projet ; qui fait office de bouquet final musical à ce voyage sensoriel.
Caramel est donc un album melliflu d’une qualité rare, d’une cohérence exemplaire, sans pour autant être redondant. Il est à la fois la part de rêve dont chacun de nous a besoin pour abreuver son imaginaire et la douce excitation que l’on recherche dans les jeux de l’amour. En évitant de tomber dans les travers faciles de la mièvrerie ou, à l’inverse, de l’érotisme vulgaire et forcé, Connan respecte son cahier des charges et nous invite à se délecter du meilleur des bonbons avec ce Caramel onctueux. Artiste étonnant, pour ne pas dire détonnant, Mockasin persiste et signe avec ce deuxième album réalisé non plus pour sa maman mais pour lui-même et montre au monde qu’il est désormais devenu une véritable pointure.

(1) Je suis venu te dire que je m’en vais n’étant évidemment pas une chanson de Melody Nelson. Cependant les sonorités d’Histoire de Mélody Nelson se retrouvent en partie sur Caramel, d’où le double parallèle à Gainsbourg ici (voire triple si l’on inclut Charlotte).

PierreQui_Roule
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le 11 janv. 2022

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