Il faut distinguer chez Arbouretum l’expérience sur disque, assez cérébrale, de celle du live, purement sonique. Mais dans les deux cas, la musique de ce groupe tient de la célébration. Celle d’un instrument d’abord, la guitare électrique. Celle de la nature d’autre part, et de ses multiples forces. Et pour unir le tout, l’homme et les perturbations climatiques, une voix, celle de Dave Heumann. Coming Out of the Fog vient prolonger l’expérience initiée en 2006 par ce barbu compère de Bonnie Prince Billy.

Les climats sont donc tempérés par la six-cordes de Heumann, tantôt cristalline comme l’eau d’un ruisseau, tantôt plombée comme un ciel d’orage. Les racines d’Arbouretum sont celles du folk, du blues, d’un certain rapport à la terre et à sa simplicité. Les riffs et même les soli de Heumann tiennent plus de la lente fusion que de l’artifice. Pour reproduire avec tant d’exactitude les aléas des éléments, il fallait cette connaissance parfaite de son instrument, et précisément, Heumann le maîtrise dans tous les registres : on a évoqué le folk et le blues mais les morceaux sont souvent électriques, lorgnant volontiers vers le stoner. Cette facilité déconcertante pour varier les styles passe bien entendu par la virtuosité technique ; et à écouter, émerveillé, les fulgurances guitaristiques de Heumann, on se dit qu’on n’entend vraiment plus assez de (bons) soli aujourd’hui. Toutefois cette technique habitée serait sans doute moins prenante si Heumann n’avait pas, aussi, la science du son. Coming Out of the Fog est en ce sens très riche, passant de saturations sourdes superbes à des arpèges d’une pureté sans égal, qui prouvent qu’il connaît aussi par cœur l’électronique de ses pédales d’effets.

Ce nouveau disque d’Arbouretum, comme les autres, célèbre donc les forces diverses de la nature par l’intermédiaire d’une guitare, qui elle-même est érigée en instrument de toute puissance. Un peu à la façon des guerriers d’antan, qui nommaient volontiers l’épée qui allait les servir pendant les combats. Celui que mène Heumann n’a rien de guerrier, il est celui d’un homme qui cherche à retranscrire son admiration devant quelque chose de plus grand et plus insaisissable que l’être humain. Sa voix, lyrique et claire, s’impose avec évidence comme le liant parfait entre le fruit du travail humain (l’instrument de musique) et celui de la nature, c’est-à-dire l’homme lui-même. La beauté de Coming Out of the Fog donne le vertige et à cet égard on ne peut que déplorer l’accueil pour le moins timide que lui réserve une presse sans doute trop pressée par la déferlante de l’actualité pour percevoir les talents cachés derrière cette forme, certes simple et un peu rêche, mais tellement ambitieuse, de disque doucement psychédélique.

Francois-Corda
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le 3 janv. 2019

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François Corda

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