Depeche Mode, chapitre 3 : « Construction time again » ou la construction du son.

Dans l’épisode précédent Martin Gore apprend à faire de la musique tout seul comme un grand le temps d’un album…et ça donne « A broken frame » un disque étrange un peu fragile et toujours assez naïf mais avec une petite touche d’inventivité et de profondeur en plus que sur le premier disque. L’ajout d’un musicien supplémentaire étant perçu comme un bien nécessaire pour poursuivre sereinement l’aventure cela sera Alan Wilder qui sera recruté pour poser sa patte à l’ensemble des productions du groupe. Claviériste accomplie, pianiste (bon batteur également comme le prouvera la suite de leur carrière), multi-instrumentiste talentueux notre bonhomme arrive à point nommé pour sauver le groupe youpiiii! Enfin le pauvre Alan aura un peu du mal (l’avenir le montrera) à se faire une place face à l’ego pas toujours très commode du père Gore comme l’avenir le montrera et il tissera des liens d’amitiés essentiellement avec Dave Gahan un tout petit peu moins avec Gore (voire quasiment aucun avec Fletcher). Néanmoins, sur ce disque notre brave Alan (oui je l’aime bien) apporte un sacré coup de polish au son du groupe qui commençait à puer légèrement le renfermé. La production sans sonner encore très moderne est déjà un peu moins euh… »bzzzt blip blop » excepté sur un ou deux morceaux vraiment pas géniaux qui handicapent pas mal le disque : « Pipeline » (chantée par Gore…rare sont les albums du groupes où les sommets sont chantés par ce pourtant grand monsieur), et « Shame » dont le groupe pourrait presque avoir honte si il ne pouvait pas mettre ça sur le compte de la jeunesse.


Car s’il y a des groupes qui parfois sortent des disques passables en milieu de carrière…Depeche Mode lui est un groupe perfectionniste qui n’a de cesse de progresser ou en tout cas de s’en donner les moyens de façon à ne pas faire deux fois le même disque et ça c’est plutôt louable! Le son je disais donc est un peu plus frais et fluide que sur le disque précédent…plus froid aussi…c’est le disque de Depeche Mode qui fait intervenir pour la première fois des sonorités assez métalliques et industrielles. Il y a par ailleurs fort à parier que la venue de Martin à Berlin l’ait pas mal influencé, le disque semble avoir été taillé dans du sucre-glace et sonne assez proche dans l’esprit des albums de rock allemand et électronique de l’époque. Encore une fois la pochette illustre très bien le contenu, elle sera d’ailleurs à l’origine d’une interprétation curieuse mais crédible : le groupe est plutôt orienté communiste. On a eu droit à la faucille sur l’album précédent on a ici droit au marteau (au vu des paroles souvent axées « politique » du groupe à cette époque c’est crédible, ce qui constitue une belle progression dans la maturité par rapport aux deux précédents disques).


Thématiquement Depeche Mode se met donc à traiter de la lutte des classes, des virées touristiques hors de prix également sur le désormais classique : « Everything counts » sommet absolu du disque et devenu un grand tube de la pop au sens large depuis. Ce morceau hyper entraînant au refrain entêtant et addictif est particulièrement dansant et pêchu…il représente à lui seul ce que le groupe aura pu faire de mieux à une époque qui artistiquement ne représente pas un sommet pour Depeche Mode. Au programme des réussites annexes (moins imposantes disons) on a : « Love in itself » titre d’ouverture et second single du disque plutôt pompier mais au traitement sonore intéressant. Les excellents et accrocheurs : « More than a party » (bien vu la petite accélération à la fin qui donne un côté encore plus frappadingue à l’ensemble), le mécanique « Told you so » à la rythmique taillée à la hache, et le titre « And then » au refrain réussissant l’exploit d’être chaleureux et très froid à la fois constituent les sommets du disque. Le mélange des voix de Dave et Martin est enfin mis à l’honneur sur ce disque (sur « And then » notamment) et c’est vraiment un élément qui donnera beaucoup de saveur à moult morceaux à venir. Plus tièdes en revanche sont les deux compos d’Alan Wilder : « Two minutes warning » et « The landscape is changing » elles ne dénaturent pas l’ensemble mais n’ont rien de bien méchantes…


De façon globale le disque est assez bon…le groupe cherche encore son style c’est clair…le cul entre new wave, electro froide et minimaliste, et pop à tendance rock et industrielle par moments le tout avec un côté légèrement cold wave on ne sait plus trop vers quoi se dirige le groupe. Mais ce qui est sûr c’est que c’est cette alchimie entre ces différents styles (qui au final curieusement se rejoignent) forgera par la suite le style « Depeche Mode » des années 80! Le mur du son se construit, Alan Wilder en bon requin de studio prend ses marques et aide le groupe à décoller…lentement mais sûrement. Un peu inégal et pas très solide quand on y réfléchit bien ce disque plutôt pas mal (peut-être le plus convaincant des trois premiers finalement?) se laisse tout de même bien écouter et constitue un tournant capitale dans l’évolution et la recherche du son « Depeche Mode » quête du saint Graal qui légitimait à elle seule ces trois premiers albums légèrement inaboutis. Le tournant définitif lui, sera pris à partir du disque suivant…et il n’y aura plus jamais de retour en arrière possible ensuite… »Some great reward » dans l’épisode suivant sera le début d’une gloire certaine pour Depeche Mode!

Venomesque
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le 25 nov. 2016

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