Le dernier Neil Young remontait déjà 4 mois : Before + After était une promenade acoustique à travers son histoire, la revisitant tout en y affirmant une indéniable cohérence. Un bel album, même si, soyons honnête, il ne reflétait pas la part du Loner que nous préférons depuis des décennies. Dans la logique de ses allers et retours entre délicatesse acoustique et furie barbare électrique, Neil nous offre cette fois avec FU##KIN’ UP un flashback focalisé sur un seul album, le très célébré Ragged Glory (1990), purement et simplement rejoué dans un état d’esprit à la fois fidèle à l’original (un p… de torrent d’électricité) mais également beaucoup plus… relâché : au lieu de disparaître jeune pour échapper à la rouille, Neil ayant décidé qu’il était assez solide pour la combattre à mains nues, cette vieille rouille, il est dans un état d’esprit de pur « rien à foutre » – d’où le nouveau titre de ce Ragged Glory Ver 2.0. Et qu’est-ce que ça fait du bien d’écouter ça !

Expliquons quand même en quelques mots le « concept » : Neil avec son Crazy Horse au format 2024 (c’est à dire, en plus des incontournables Talbot et Molina à la rythmique plus lourde que lourde, avec le génial Nils Lofgren à la seconde guitare, mais aussi, attendez, avec aussi Micah Nelson à la… troisième guitare) rejoue les 9 (vraies) chansons de Ragged Glory (le greffon Mother Earth n’ayant évidemment pas sa place ici) dans leur ordre original, mais en les affublant de titres nouveaux (sauf Farmer John, une reprise, donc non-rebaptisable). L’interprétation, peut-être live (on entend des cris d’un potentiel public çà et là), a pour but de pousser les chansons – dans des versions rallongées pour la plupart – dans leurs dernières extrémités, à coup de guitares évidemment saturées et bruyantes, et de vocaux ne craignant aucun excès : on sait depuis quelques années que Neil n’a plus sa voix d’antan, mais il compense cette faiblesse par une expressivité sans faille, tandis que les potes autour de lui font des chœurs façons piliers de bar, et poussent même des braillements absurdes dans le fond (Farmer John est même un joyeux délire !). Âmes sensibles et adeptes de la délicatesse et du bon goût, passez votre chemin !

On pourrait évidemment râler devant le fait qu’il n’est pas trop difficile de sur-électrifier un album déjà électrique, qu’il aurait été plus audacieux d’appliquer ce traitement barbare à un classique acoustique (Harvest ? Comes a Time ? Harvest Moon ?). On pourrait souligner que ce genre de livraison trahit un affaiblissement de l’inspiration – même si les derniers albums originaux étaient bien beaux, en fait. Mais on n’a pas du tout envie de faire la fine bouche devant ces neuf titres offerts nappés d’une bonne sauce au napalm par de vieux hommes en colère et qui n’en ont plus rien à f… !

Car le plaisir est total. Car les chansons résistent à ce traitement brutal et restent belles. Car plus il avance, plus l’album, à la manière d’un véritable concert, s’élève vers l’extase, jusqu’à un A Chance on Love (Love and Only Love) qui peu figurer parmi les plus forts enregistrements du Crazy Horse. Car FU##KIN’ UP dégage encore plus d’énergie que Ragged Glory. Mais surtout car FU##KIN’ UP donne un sentiment de liberté rare, comme si l’âge s’avérait une véritable libération : plus rien à prouver, juste jouer du rock’n’roll comme si demain n’existait pas.

[Critique écrite en 2024]

https://www.benzinemag.net/2024/04/30/neil-young-crazy-horse-fukin-up-good-old-rust/

EricDebarnot
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le 2 mai 2024

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Eric BBYoda

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