Avec ce quatrième album, Modest Mouse semble vouloir rendre sa musique plus accessible. Le groupe met d’ailleurs le paquet d’entrée de jeu avec ce qui reste sans doute l’enchaînement de titres le plus renversant de toute sa discographie. Si l’on passe l’introduction bruitiste de neuf secondes, le groupe délivre avec The World At Large une chanson sublime et émouvante au possible, d’une pureté absolue, sans doute une de ses plus belles compositions. Malgré la beauté et la simplicité apparente de la mélodie, que certains pourraient assimiler à une facilité de la part du groupe, la chanson est baignée d’une mélancolie étrange, si caractéristique de Modest Mouse, notamment avec l’apport des notes de guitare électrique obsédantes.

Le son du groupe a gagné en puissance, en clarté, mais sans perdre son identité ni son souffle épique et dévastateur. Tout cela a simplement été concentré, le groupe s’est enfin décidé à écrire des chansons rock où l’efficacité et la concision sont au centre des débats. C’est en quelque sorte ce que l’on (ou en tout ce que je) pouvait attendre de Moon & Antarctica, mais que le groupe avait soigneusement évité en proposant une musique plus complexe et atmosphérique. Ici, on revient enfin à plus de spontanéité et de nervosité.

Et avec l’écriture si particulière de Modest Mouse, on a droit à des bombes de la trempe de Float On et de Ocean Breathes Salty qui constituent un duo terrassant de bonheur et d’efficacité. Ces deux morceaux sont dopés à l’énergie positive et éclatent dans tous les sens, à la fois grandioses, planants et touchants, ou comment faire sonner de manière complexe et foisonnante le morceau le plus évident du monde.

Malheureusement, après un début aussi fantastique (dès la première écoute on se prend une claque dans la tête), les autres morceaux ont un peu de mal à suivre la cadence et on se retrouve avec un gros coup de mou au milieu. Modest Mouse enchaîne alors des titres moins puissants, avec son habituelle livrée de chansons foutraques, des bizarreries qui sont les seules choses qui me font un peu tiquer chez le groupe, à l’image de Dance Hall, de The Devil’s Workday (même si l’imitation de Tom Waits n’est pas mauvaise) et de Satin in a Coffin. Je préfère vraiment quand le groupe utilise son pouvoir mélodique et corrosif pour composer des chansons qui explosent le cerveau, plutôt que pour concocter de petites choses limitées sur le plan musical et émotionnel.

On trouve toutefois, en prenant le temps d’apprécier le disque et de dépasser les titres d’introduction, des chansons intéressantes, que ce soit The View dans un registre nerveux et, dans un registre plus calme, le reposant et très classiquement folk Blame It On The Tetons et surtout le final entêtant Good Times Are Killing Me qui conclut le disque aussi bien qu’il avait commencé, ce qui situe le niveau de ce morceau qui figure sans conteste parmis les titres emblématiques du groupe.

Au final Good News For People Who Loves Bad News me laisse un sentiment partagé, c’est un album que j’aimerais adorer car il comporte tellement de choses fantastiques qui correspondent tant à l’image que je me fais de la musique idéale de Modest Mouse, qu’il m’est impossible de ne pas avoir de l’affection pour ce disque, et de le trouver hautement recommandable. Je trouve même admirable le fait que le groupe ait réussi à évoluer et à proposer autre chose, sans se renier, après deux albums aussi particuliers que The Lonesome Crowded West et The Moon & Antarctica.

A mon sens, la manière dont Modest Mouse continue à sonner sur ce disque témoigne une fois de plus de l’intégrité de ce groupe définitivement original dans son approche du rock. Et ce n’est pas parce que leur musique devient plus évidente, plus éclatante et immédiate, qu’elle est commerciale, dans le sens où elle ne vaut plus rien et est dénuée de profondeur. Modest Mouse n’est pas mort et ne s’est pas vendu au diable après The Moon & Antarctica.

Certes, le groupe ne retrouvera sans doute plus la rage démentielle de ses débuts, mais cette rage a été transférée vers une approche plus créative sur le plan mélodique et sonore, réinventant à merveille l’univers étrange, dérangé et mélancolique de Modest Mouse. Enfin voilà, ce sont toutes ces bonnes choses que je trouve dans la musique de la bande d’Isaac Brock, et c’est ce qui fait que je ne peux pas me passer d’un disque comme Good News For People Who Loves Bad News, même si je ne peux ignorer ses petites faiblesses.
benton
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le 1 juin 2013

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