L'esprit de la Nouvelle-Orléans
Dans mon esprit, la Nouvelle-Orléans est parée d'une symbolique mystique. Elle abrite, la source, l'âme de la musique populaire Afro-américaine. C'est le coeur de la culture musicale américaine qui bat au rythme ternaire du Blues. L'air y véhicule les bribes d'harmonica, les effluves de banjo, clarinette, trompettes, de percussions en tout genre échappées de quelque rade du vieux carré.
Cet eldorado n'a malheureusement pas la splendeur de l'image qu'il renvoie : Parent pauvre de l'Amérique, ravagée par l'ouragan Katrina, oubliée des politiques publiques, gangrénée par la pauvreté elle subsiste dans la mémoire d'un passé glorieux.
Gris-Gris, premier album de l'excellent Dr John en est un des plus beau hommage. Dr John c'est l'enfant de la Nouvelle-Orléans, né dans la musique cajun, sideman auprès des plus grand artistes de Rythm and Blues. En 1968, il crée le personnage mystique qu'il incarnera tout au long de sa carrière : Dr John, the night tripper, inspiré d'un mythique sorcier voodoo. Après avoir rassemblé une pléiade de musiciens de la Nouvelle-Orléans, il s'exile à L.A. ou il réussi à squatter le mythique Gold Star Studio où Spector avait déjà fait parler de lui. Produit par le très bon Harold Battiste, un confrère de la N.-O. qui s'était fait les dents auprès de Sam Cooke, l'album naît sous les meilleurs auspices.
Le résultat est exceptionnel : Sept titres qui font renaître l'esprit de la Nouvelle-Orléans jusqu'au plus profond de ses racines. Un nombre exceptionnel de percussions nous emmènent dans des atmosphères envoutantes et brumeuses. Le tintement des mandolines, la chaleur des banjos, les choeurs envoutants tourbillonnent dans nos oreilles. La pochette de l'album, traduit bien son mysticisme : Le visage dédoublé, l'air halluciné, les tons sombres sur lesquels contrastent le rouge éclatant du personnage et les volutes de fumée qui l'entourent dans un halo de lumière.
La première piste Gris-Gris Gumbo Ya-ya, pose les bases de l'album : "They call me Dr John , the night tripper". Les grognements de Dr John, les bruissements en tout genres sur fond de percussions chancelantes nous emmènent au plus profond de la nuit, dans une touffeur infernale des brumes délétères des bayous. L'atmosphère y est à la fois attrayante et inquiétante : Un rite voodoo qui ne semble jamais finir. Les synthés électriques s'ajoutent à la confusion générale, un magnifique solo de guitare sur Croker Courtbuillon, quelques touches de sax : plein de très bonnes idées.
L'atmosphère se détend un peu avec l'entrainant Mama Roux, où Dr John joue les crooners Rythm and Blues ainsi qu'avec Jump Study, porté par une basse bien dansante. Cet album, reconnu sur le tard ouvre sur une oeuvre prolifique et riche qui fait de Dr John un des grands artistes de la Nouvelle-Orléans et le relai d'une tradition musicale qui traverse le temps et imprègne les esprits.
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