La nonchalance des premiers accords d'une guitare folk bienvenue, vite suivis par un harmonica tranquille, laid-back, disent tout de suite ce que cet album est : un disque peinard, doublé d'une ode à la vie champêtre.
"Out On The Week-end", sa mélodie entêtante et cette voix de synthèse parfaite de "femme - enfant - vieillard" (et donc universelle) au chant très lent illustrent le mode de vie du Neil Young de cette époque 1971 - 1972 : assis tranquillement sur un rocking chair, au soleil, devant un ranch, armé d’un banjo et d’un pétard, et je ne fais là aucune apologie. Après les merveilles que sont « Everybody Knows This Is Nowhere » et « After The Gold Rush », Neil Young s’est dit qu’il avait beaucoup donné dans la furia électrique. "Ok, on se calme a-t-il dit"... Néanmoins, il a toujours reconnu avoir un besoin vital des ces deux versants musicaux (en quelque sorte une métaphore impeccable de sa bipolarité) : l’énergie électrique pour canaliser sa violence, ses crises d’épilepsies, et le folk pour son côté calme et sa quiétude d’esprit. Harvest s'inscrit clairement dans le second registre.
La chanson-titre ne change rien au premier morceau, tout est tranquille. Comme si la nuit était tombée tout à coup, le mélancolique « Man Needs A Maid » nous appelle à regarder les étoiles, allongé dans l’herbe et à prendre le temps de se laisser vivre. Le « Forever Changes » de Love avait grandement inspiré Neil Young pour l’usage d’un orchestre symphonique sur ce titre. Vient alors le cultissime et tubesque « Heart Of Gold », aux accents country du meilleur cru. Cet air folk, déjà un traditionnel, et la manière si caractéristique et reconnaissable de Neil Young d’appuyer fort son mi majeur sont tout de suite inoubliables. Cet hymne ne peut qu’être aimé par toutes les oreilles dignes de ce nom.
« Old Man »… que dire? Tout le monde connaît l’histoire, non ? Millionnaire, Young acheta un ranch, et un vieil homme se demanda ce qu’un jeune homme riche pouvait trouver d’intéressant à venir vivre dans les parages. Le reste est dit dans la chanson. James Taylor joue d’un banjo ludique pour annoncer le refrain, agrémenté de la voix chaleureuse de Linda Ronstadt. Les premières notes de cette chanson sont légendaires… la dextérité à la fois précise et incisive de Neil Young fait plaisir à entendre, et donnent envie d’attraper son instrument de suite (tous les guitaristes comprendront). « The Needle And The Damage Done » dévoile une voix d’enfant, très pure.
L’ultime titre… et Young passe déjà à autre chose, revient à ses amours premiers, hendrixiens et cette fureur électrique et fiévreuse qui lui est propre. L’album est clôt, ça y est c’est déjà fini. C’est simplement magique et maléfique, grand-père Young a fait du bon boulot, et la suite est peut-être encore plus belle (Zuma, On The Beach…), noire, voire franchement brumeuse (Tonight’s the night). Tout est bon dans le cochon, tout est bon chez Neil.