On en connaît tous. On les a d'jà tous entendus. Mais si. Tu l'as croisé
Il y a toujours un mec qui t'explique que Céline Dion a une voix merveilleuse, que Lara Fabian fait partie des grandes voix de notre temps ou que l'on n'a pas choisit Hélène Ségara au hasard pour la comédie musicale "Notre Dame de Paris".
Ça y est ? Ça te parles ?
Le gars qui est persuadé que n'importe quelle gonzesse en excédent hormonal qui lui gueule dans les esgourdes est une putain de diva en puissance. Celui qui se dit que vu que sa grognasse à brushing dépasse les cent décibels sur "All by myself" ce ne peut être qu'exceptionnel.
Ceux qui confondent crier dans un micro et chanter. Ceux qui pensent qu'égorger un porc se rapproche du doux chant des sirènes de l'oncle Homère ou qu'une putain de tronçonneuse éraillée débitant de pauvres arbres innocents lui rappelle étrangement une chanson du dernier album de Lara Fabian.
Ce même genre de personnes qui trouve que Zaz a un "joli grain" dans la voix ou que Florent Pagny aurait pu faire un ténor magnifique et être l'égal, avec des cheveux sales et des bottes en serpent, du grand Luciano Pavarotti.
Ces gens enfumés par ces trop nombreuses heures passées devant un Ruquier trop bon public ou un Hanouna s'extasiant devant n'importe quelle connerie et promettant que si "The Voice" dépassait les dix millions de téléspectateurs, il roulerait un patin à Gilles Verdez.


Il est temps de revenir aux bases.


Temps de comprendre que la puissance vocale n'est pas le tout dans une voix. Comprendre qu'une voix c'est avant tout une émotion et pas qu'un vulgaire concours de décibels.
Comprendre que la voix ne doit être que le moyen de transport te plus rapide de l'âme vers la bouche et non pas la démonstration vaine des capacités pulmonaires de la dame (ou du monsieur).
Alors laissons les braillardes et revenons aux sirènes. Abandonnons les chanteuses et revenons aux femmes.
Elles sont pourtant légion les sirènes. Ces Billie Holiday, Nina Simone ou Edith Piaf, ces femmes qui foutaient leur âme à nue et nous filaient des frissons au creux des reins.


Il en est une de ces sirènes qui naquit par un froid matin de Janvier 43 dans la petite ville de Port Arthur, Texas.
Une petite enfance à écouter Bessie Smith ou Big Mama Thornton, à rêver d'ailleurs, à préparer sa voix étrange à la chorale de l'église.
Une adolescence difficile pour la petite Janis Lyn Joplin, des années lycée où ses rêves, son tempérament artistique viennent se briser sur une éducation trop rigide et des camarades cons comme des bites qui passerons leurs bas instincts de rednecks à l'humilier, à l'insulter, la traitant de "Freak" ou de "Pig". L'université ne la laissera pas tranquille non plus puisqu'elle y gagnera le prix du "Garçon le plus laid" du campus. Elle leur en voudra éternellement.
Ces années forgeront la volonté de Janis. Les études ce n'est pas pour elle. Ce qu'elle veut c'est chanter, gueuler son Blues qui lui colle à la peau. Et partir. Décarrer de ce coin de Texas farci de buveurs de bière et d'esprits étriqués.
Direction la côte Ouest. San Francisco.
Elle débarque en 1963 où elle commence la tournée des bars, crachant Blues éraillé et relents de Southern Comfort au visage effaré de Beatniks acidifiés.
C'est le temps des expériences, et Janis ne s'en prive pas.Sa consommation de drogues et d'alcool augmente considérablement tandis que sa consommation d'hommes (et de femmes) est loin d'être en reste.
En 1966, Janis est recruté par Chet Helms pour être la voix d'un jeune groupe prometteur: Big Brother and the Holding Company. La carrière de la sirène du Flower Power est lancée.
Deux ans plus tard en 1968, Janis Joplin et Sam Andrew quittent le groupe pour former le Kozmic Blues Band et le 11 Septembre 1969 sort le premier album solo de Janis: I Got Dem Ol' Kozmic Blues Again Mama!.


Enfin seule ! Janis s'entoure de musiciens de studio, de la crème des jammeurs gravitant autour du San Francisco Sound. La diva voulait du cuivre, de la chaleur, du groove viril mais correct: Elle l'a. On nage en plein Stax Style.
Janis se forge un groupe à la dimension de sa voix exceptionnelle. Elle n'est plus la chanteuse d'un groupe mais LA chanteuse accompagnée d'un groupe.
Elle donne la pleine mesure de sa voix cassée sur des Blues électriques, griffant comme un tigre blessé dans la chair noire du Blues ou jammant fiévreusement un Rythm'n'Blues brûlant saturé de cuivres.
Janis vit le Blues dans sa chair, elle se met à nue, offre son âme à son public, ne lui cache rien. Elle pleure son Rythm'n'Blues, elle revit ses peurs, elle revoit ses humiliations. Elle exorcise ses souvenirs de sa voix au bord des larmes, sa voix rouillée qu'elle jette au ciel comme une prière, comme l'espoir d'une guérison de son mal être.
Une voix douloureuse à l'image de ses "plaies à l'âme" toujours ouvertes, de ces coups de canif en plein coeur qui ne cicatriseront plus jamais et qu'elle désinfecte au bourbon et à l'héroïne.


Janis donne la pleine mesure de sa voix, ( grâce notamment à des proches qui, selon les voeux de la chanteuse, la tenait éloignée de ses mauvaises fréquentations en la cloîtrant chez elle entre deux sessions d'enregistrement.) elle déchire son Blues, brûle son groove, comme Jimi foutait le feu à sa gratte, en écorchant sa voix jusqu'au sang, transcende son Kozmic Blues Band (presque trop sérieux, trop classique, comme peuvent être certains musiciens de studios) et rentre dans le club très fermé des grandes chanteuses de Blues par cette putain de grande porte.
Un an plus tard la sirène aux bras troués s'endormira dans sa chambre d'hôtel, des rêves de gloire et de bonheur plein ses pupilles dilatées et ne se réveillera plus jamais, laissant le monde de la musique orphelin de l'une des plus belles voix du Blues de ce putain de XX ème siècle.


N'en déplaise à Céline Dion.


Kozmic Blues


ou


Try (just a little bit harder)

Ze_Big_Nowhere
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le 10 janv. 2016

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Ze Big Nowhere

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