C’était un samedi, alors que mon amertume quotidienne me pesait, je me tenais là, figé dans le temps. Dehors, même la météo semblait s’être arrêté. Soudain, mon téléphone a sonné. C’était comme si un vent frais s’était levé. Un ami rencontré à New York l’année précédente pour découvrir de nouveaux talents musicaux m’a expliqué qu’un jeune artiste venait de sortir un titre révolutionnaire, Halftime. J’avais depuis longtemps cru que le rap était devenu immuable dans la musique, mais il m’a décrit un style de rap, mêlant le jazz à ses rythmes avec une production à couper le souffle. Ce jeune artiste, nommé Nas, allait même sortir un album ! Intrigué, je lui ai dit que j’allais venir a New York dans les prochains mois pour assister à ça.
Dans l’avion, alors que je passais le temps, j’avais emporté mes classiques, des cassettes de rappeurs de la east coast, histoire de me mettre dans la thématique (j’adore faire ça). Arrivé à New York, (on va faire un bond dans le temps) j'ai réussi à rencontré Nas en personne dans une soirée en ville. Je lui ai demandé de me faire écouter le titre dont mon pote m'avait parlé. On est sorti pour qu’il me le fasse découvrir et dès les premières notes, j'ai compris ce qu'il voulait dire par "révolutionnaire"... Pardonnez-moi les gros mots, mais PUTAIN c'était tout simplement incroyable, ce titre avait toutes les qualités d'un chef-d'œuvre ! Nas m’a dit de venir une journée en studio exceptionnellement.
Il s'apprêtait à créer un titre qui, plus tard, deviendrait l'identité d'une ville entière. Je n'avais jamais rien vu et entendu de tel. Tout était parfait, depuis les choix de samples jusqu'à l'équipe de producteurs de légende qui l'entourait (faut dire que ça en faisait du monde pour l’époque) : DJ Premier, Pete Rock, Q-Tip, L.E.S. et Large Professor pour ne citer qu’eux. Aujourd’hui il n’y avait que DJ Premier, mais aussi Christopher Martin. Pour les drums, ils avaient choisi "N.T." de Kool & the Gang, puis "Mind Rain" de Joe Chamber et "Flight Time" de Donald Byrd pour l’instrumentale, auxquels ils avaient ajouté les vocalises d'un autre titre, "Mahogany" de Eric B. & Rakim. J'étais abasourdi par la qualité du rendu. Puis vint le moment où Nas s'est placé derrière le micro pour envoyer ce qui allait me rendre complètement dingue dans quelques instants. Dans un élan de certitude, il a commencé à rapper, laissant libre cours à sa rage et sa philosophie de vie…
I never sleep, ‘cause sleep is the cousin of death
Life is parralel to Hell, but I must maintain
Quand je suis sorti de Power House Studio, encore sous le choc et le charme, ils venaient de créé sous mes yeux N.Y. State of Mind. Je suis allé retrouver mon ami pour discuter de la suite des événements et de ce que je venais de vivre. Je lui ai dit que désormais, j'allais rester là quelques temps. Hors de question de rater cet album, j'étais déterminé à être le premier à me l'arracher.
L’après-midi du 19 avril 1994, devant un disquaire new-yorkais, j'avais en main la pochette si emblématique de ce qui allait influencer le monde de la cover de rap plus tard. Mon cœur battait à 120 bpm alors que le temps semblait s'arrêter. Devant mes yeux se trouvaient seulement 10 titres, mais dès que je les ai fait tourner sur ma platine achetée plusieurs mois à l'avance, j'ai redécouvert littéralement le quartier de Queensbridge à travers mes oreilles. C'était un album underground d'une qualité sans faille, et à seulement 20 ans, Nasir Jones, de son vrai nom, avait réussi l'exploit de sortir Illmatic un des meilleur album de rap alors qu’il ne le savait pas encore… Qui est d’ailleurs l'un des quatre premiers albums de rap conservés à la bibliothèque d'Harvard, célèbre université américaine. Il est étudié par les étudiants pour son contenu et sa forme. Il ira même discuté d'un des textes d'Illmatic avec Elisa New, professeure de poésie à Harvard. Puis sera aussi certifié double disque de platine par la Recording Industry Association of America.
Pour revenir à cette histoire, plus tard dans la rue, j’ai aperçu Nas un soir par hasard. Il m'a demandé ce que j'en avais pensé de son album. Je lui ai répondu que même si actuellement le succès commercial n'était pas encore au rendez-vous, c'était un des meilleur album que j'avais jamais entendu et que le temps allait lui donner "sa réponse". Il m'a demandé qui j'étais exactement, comment je m'appelais.
Je lui ai alors dit : "je fais partit du temps et mon prénom n'a pas d'importance."
Ni**as don’t listen man, representin’ it’s Illmatic.
Histoire fictive en corrélation avec l’album et avec certains détails de son déroulement.