Troisième album de Ayreon, Into the Electric Castle fut le premier réel succès du projet, légitimant ainsi Arjen Lucassen comme l’un des meilleurs auteurs/compositeurs de la scène progressive. Désignée comme « ambitieuse » par bien des aspects, l’œuvre est globalement acclamée par la critique, et force est de constater que la qualité est bel et bien au rendez-vous. Pourtant, 16 ans et 5 autres albums plus tard, difficile de fermer les yeux (ou plutôt les oreilles) sur les quelques lacunes de ItEC qui s’inscrit comme le précurseur, à peine totalement affirmé, du style ayreonesque que l’on connaitra par la suite.


Malgré la diversité indéniable des sonorités et mélodies qui nous parviendront tout au long de cet album – Isis and Osiris, seconde piste qui mélange à elle-seule électronique, métal, guitare acoustique aux influences nordiques et sitar orientalisantes, en est un exemple criant – les musiques se succèdent et se ressemblent. C’est mon principal regret. Les morceaux suivent des schémas similaires sans se démarquer les uns des autres, si bien qu’ils n’ont pas d’identité propre comme c’est le cas dans les albums suivants. De plus, les transitions et autres changements de rythmes sont véritablement brutaux, maîtrisés certes, mais trop radicaux et fréquents pour donner une impression de fluidité. Il en résulte que certaines compositions apparaissent chaotiques, même pour une oreille habituée au style particulier de Lucassen, mais peut être est-ce aussi un effet recherché pour nous faire ressentir la détresse des personnages ?


Excellente transition pour vous parler un peu de l’histoire, car ItEC n’échappe pas à la règle du concept album. Huit protagonistes venant de différentes civilisations (une égyptienne, un chevalier, un romain, etc.) apparaissent dans un étrange endroit, où une voix mystérieuse les exhorte à rejoindre the Electric Castle s’ils veulent survivre. Pas très commun comme situation vous en conviendrez. Dès lors, leur périple se suit assez bien sans pour autant transcender. On apprécie plus particulièrement les différents points de vue qu’adopteront chacun d’eux face aux épreuves, en fonction de leur vécu et de leurs croyances. L’intrigue en elle-même ne vaut pas celle des successeurs de ItEC, mais elle prendra tout son sens à la fin avec la découverte de l’identité de la voix, et livrera son intérêt en la replaçant dans le contexte de tous les autres albums.


Côté casting, c’est du bon, puisqu’on retrouve, entre autres, Anneke van Giersbergen (ex-The Gathering), Sharon den Adel (Within Temptation), Damian Wilson (Threshold) ou encore Arjen lui-même. En tout, 11 artistes prêtent leur voix aux divers personnages, et autant dire qu’ils sont une véritable plus-value pour l’ensemble tellement il y a de maîtrise dans le chant et les chœurs. À la liste des bonnes choses, on ajoutera l’écriture, car si les dialogues manquent parfois de fluidité, les vers se succèdent avec un certain brio, toujours en rimes et très imagés, enchainant les figures de style, à l’instar de cet échange entre le romain et le chevalier dans The Mirror Maze, lorsque les débuts et les fins de phrases se confondent. Enfin, on notera l’instauration d’une ambiance sombre et pesante, mais jamais glauque. Une prouesse, car l’album se veut suffisamment oppressant pour favoriser l’immersion de l’auditeur, sans franchir cette barrière qui pourrait mettre mal à l’aise et briser l’expérience.


En définitive, j’admets très volontiers les nombreuses qualités de ItEC, même si ce dernier ne m’a pas totalement conquis. À travers les chants, le format (double album de plus d’une heure et demie, tout de même), l’écriture et l’histoire, on reconnait d’emblée l’ambition de Lucassen. L’ensemble est réussi, même s’il demeure, de mon point de vue, quelques soucis de fluidité, le manque d’une réelle cohésion ou de morceaux vraiment marquants. Et si ce n’est pas celui que je conseillerais pour découvrir Ayreon, je n’oublie pas que c’est celui qui a donné sa renommé au projet.

Gilraen
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le 6 août 2014

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