Is This Desire?
7.7
Is This Desire?

Album de PJ Harvey (1998)

Qui est PJ Harvey ? Vampirella ? Cruella ? Nutella ? Plutôt Fitzgerald Ella : une immense chanteuse avant tout. Premier bilan en forme d'abcès à crever, dressé avant même l'écoute de Is this desire : comme chaque nouvel album passé ou à venir de PJ Harvey, celui-ci est une déception. Obligé. Car il ne ressemble pas à Dry. C'est comme ça, une sorte de malédiction idiote et éternelle. Comme Will Oldham (Palace Brothers), PJ Harvey restera quoi qu'elle fasse la femme d'un disque, unique à tous points de vue. Elle a beau user des onguents les plus doux, elle n'effacera jamais la brûlure provoquée par son premier album. A l'époque de Dry, du temps où elle ne savait sans doute pas qu'il existait des musiques à la mode, des producteurs, des photos de presse et tout un service après-vente de la musique, PJ jouait une musique anorexique, névrotique, monolithique, un genre de folk intime, terriblement cru et douloureux. Invivable. PJ, elle, s'en est sortie. D'abord, en installant un système d'irrigation dans sa musique. Ensuite, en laissant parler son corps : cours de maintien, atelier maquillage, séances de monokini. Travestissement, un peu. Tenue de survie, surtout. Le confort, la fantaisie, le glamour, on les lui souhaite dans la vie, mais on n'en veut pas dans ses chansons ­la nudité leur va si bien. Enfin, PJ Harvey pose la seule question qui vaille le coup : est-ce le désir ? Celui de faire de la musique et d'en entendre malgré tout, malgré Dry. Depuis son To bring you my love de capiteuse mémoire, PJ a rejoint son époque. Elle habite désormais un palais dont le majordome (John Parish) est aux petits soins, dont le décorateur (Flood) est homme de goût. Apparemment, tout va bien. Mais aujourd'hui, elle a décidé de faire visiter les catacombes. Un lieu plus sombre, plus enfoui, où PJ découvre l'odeur de la fonte et retrouve le goût de la peur. Déclinaison spéléologique du voluptueux To bring you my love, Is this desire s'ouvre pourtant par une bluette sentimentale, une de ces chansons que les garçons aiment à chanter pour les filles, dans un style que seul Nick Cave sait aborder sans tomber dans la mièvrerie. Comme si elle avait réalisé l'absence du grand Nick, PJ Harvey change rapidement de registre. Elle est de retour. C'est ensuite The Sky lit up, remake de Sheela-na-gig qui se termine par un cri glacé comme le couteau de boucher qui va frapper dans un vieux film d'horreur. Noir et blanc, contraste, adrénaline. Les volets claquent, le coeur s'affole. Fugitive dans son propre univers, PJ a même attrapé la fièvre du samedi soir, elle va tenter l'aventure sur la piste de danse. C'est The Wind, un grand pas dans la musique de PJ Harvey, son Violently happy à elle, pour danser à la cave, avec des chauves-souris dans les cheveux. D'un point de vue strictement musical, les chansons de Is this desire n'arrivent pas à la cheville de celles de Portishead ou Björk. Mais PJ rivalise d'intensité vocale. Là où la machine a remplacé l'homme, c'est la chanteuse qui fait la chronique du vide environnant et crée la vie. Une drôle de vie. Les machines ont ici la mine patibulaire, le teint glauque, virusées, vert-de-grisées par la rage froide et anxiogène de PJ Harvey, ce dragon déguisé en chanteuse de charme. Dans ces moments de fusion glacée entre des coulées d'infrabasses cramoisies et une voix transperçante, PJ Harvey (re)trouve son rythme, sa pulsation intime, ce halètement de bête traquée qui ne l'avait jamais vraiment quittée depuis Dry. Qu'à l'aune de cette très bonne déception qu'est Is this desire , il va maintenant être temps d'oublier un peu. (Inrocks)
Lors du dernier festival de la Route du Rock à St Malo, PJ Harvey nous avait fait frissonner : une attitude scénique exceptionnelle que l'on ne connaissait pas chez elle et surtout de nouvelles chansons qui venaient rapidement hanter notre esprit. Pour ceux qui ont pu assister à la récente Black Session avec la Miss Polly, ces morceaux qui étaient mélangés à de anciennes merveilles semblaient largement tenir la route. En plus ce soir là PJ Harvey arborait une sourire de joie qui était communicatif. Ce n'était plus la jeune femme énervée et toujours sur le fil du rasoir qui était devant nous. Et bien sur disque ... la magie opère aussi facilement. Les morceaux se suivent et l'auditeur en redemande. Il se laisse surprendre par des chansons au rythme calme, tempo qui va finalement parfaitement à PJ : "Angelene" et son piano qui pourrait très bien apparaître comme une reprise du crooner Nick Cave, "The River" dominé par quelques cuivres et la voix envoûtante de la maîtresse de maison. Viennent aussi, bien entendu se greffer quelques morceaux furibonds car même si PJ Harvey s'est légèrement assagie, elle n'a pas mué en une gentille et douce dame. On a ainsi droit à "The Sky Lit Up" toutes guitares sorties et voix rageuse, au martelant et obsédant "Joy". Petit coup de coeur pour "The Wind" sur lequel on trouve notre PJ susurrer ses paroles sur un rythme agréablement dansant ! Sur l'ensemble de sa discographie, Miss Harvey nous avait déjà délivré deux chefs d'oeuvre "Dress" & "To Bring You My Love". Avec ce dernier le compteur passe à trois ! (popnews)

bisca
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le 28 mars 2022

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