Après sa période reggae, Gainsbourg nous revient avec un disque qui navigue entre rock et funk, le tout unis par une vulgarité à toute épreuve, loin de l'érotisme de jeunesse dont Gainsbourg avait été jusque là capable (si érotisme et jeunesse conviennent quand on parle du grand Serge).
L'album est l'ultime disque de provocation. On choque à tous les étages ! La thématique de la sodomie, homosexuelle comme hétérosexuelle, est omniprésente. Le sexe, de manière générale, est aussi de la partie à chaque étage.


Mais surtout, outre la thématique, Love on the Beat est un de mes albums préférés de Gainsbourg. La faute à une musicalité totale. Si les morceaux sont vites répétitifs dans l'âme même (guitare funky, batterie et basse rock, mais avec un groove terrible et une forte présente de la basse, saxophone sensuel en plus, clavier calme puis énergique, choeur chantant le titre) et dans les structures (peu de paroles de Gainsbourg, on répète à l'outrance les refrains), il y a un tel travail sur le son, celui-ci est tellement soigné qu'on ne peut qu'accrocher.
L'album est extrêmement puissant en terme de musicalité. Les choeurs sont magnifiques, et cette basse … Mon dieu quelle basse ! Qui pourtant ne cache ni le saxophone ni les claviers. Et quand on y ajoute une guitare qui est si inspirée dans ses petits solo, on tient un album excellent.
Bien sûr, la répétition des morceaux eux-mêmes mais aussi de l'ensemble fait qu'on évitera d'écouter en boucle l'album. Et Gainsbourg est bien inspiré de limiter ses compositions au nombre de 8.
En bref, l'album me plaît, son énergie, sa musicalité, ses inspirations, son côté dansant, cette volonté de choquer maîtrisée parfaitement pour ne pas tomber dans la caricature, bref, tout dedans est séduisant.


Quasiment tous les morceaux sont des énormes coup de choeurs pour moi. Je dis bien quasiment tous. En effet, bien qu'adoré par beaucoup pour le côté non-sexuel et la thématique très profonde, Sorry Angel me plaît un peu moins. Pas tellement à cause du côté calme, bien que je le trouve pas si bien géré non plus. C'est surtout la batterie qui ici m'agace. Oui c'est du détail mais ça me rend le morceau moins agréable.
Non en réalité le seul point noir de l'album pour moi c'est Charlotte Gainsbourg. Pitié, je sais que Gainsbourg voulait choquer, je sais qu'il a soigné un petit peu le texte et même son placement pour s'éloigner un peu du parlé, mais fichtre, c'est un supplice pour nos oreilles d'écouter la petite Charlotte ici. Ajoutons à cela que le titre se répète encore plus que les autres et que musicalement, on a l'impression que même les zikos en avaient marre et son partis. Non vraiment, ça c'est oubliable, même en étant le single. Je sais que Serge disait que c'était sa plus belle composition, mais soyons honnête, si Chopin ressuscitait et qu'il entendait cela, immédiatement il mettrait fin à ses jours.
Enfin Harley David Son of a Bitch est beaucoup plus anecdotique. On s'amusera du renvoie à Bardot, mais ce n'est pas non plus incroyable. Je l'aime beaucoup car ce fut un des premiers morceaux de Gainsbourg que j'ai découvert et j'ai aimé ses blagues dedans. J'ai surtout aimé la version live de 1985. Mais bon, force est de constater que ce n'est pas incroyable, malgré l'évidence musicalité qui accompagne tout le disque.


Bon à côté de ça, on a quand même du très bon morceau avec évidemment le titre éponyme. Ultra dansant, avec des choeurs à se damner, des paroles plus subtiles qu'il n'y paraît et un réel amusement pour Gainsbourg de passer des soupirs de plaisir de Je t'aime à la sauvagerie orgasmique. Le titre est très bien composé et fait déjà sentir que Gainsbourg a travaillé comme chef d'orchestre plus que comme chanteur/parleur ici.
HMM HMM HMM montre à quel point Gainsbourg peut être subtile dans son faux-génie. Alors qu'il fait volontairement des rimes bien faibles pour montrer qu'il n'a pas le génie de Rimbaud, Artaud ou Poe, dans leur placement, il nous montre qu'il a en réalité un peu soigné la création. Le morceau reste assez simple à côté de ça. On rigole bien, puis on arrête les sujets purement drôles


Kiss me Hardly revient à la thématique centrale sexuelle, et ici homosexuelle. Le morceau est beau, sensuel, profond avec un choeur qui gère très bien les refrains. On regrettera cependant les répétitions des mots « hommes » et « dit ». Alors certes, Gainsbourg veut enfoncer le clou mais ça me semble un peu facile. Pour ma part je trouve que ce morceau montre clairement la capacité de Gainsbourg à composer des chansons extrêmement sensibles, sensuels, avec une réelle noirceur en même temps.
De manière amusante, on voit que Gainsbourg, pourtant si brutal sur bien des aspects se montre en réalité très doux et poétique quand il faut parler d'homosexualité. En effet, I'm the boy est clairement doux, exquis, soigné. Les choeurs sont magnifiques. Difficile de ne pas être touché par ce morceau qui montre qu'au-delà de l'humour et du choquant, c'est bien la sensibilité qui continue d'animer l'auteur.


No Comment est pour moi un moment absolu de l'album. Il en est le morceau le plus énergétique, le plus fort. Il assume totalement le thème sexuel et en rigole presque. L'âge et l'expérience de Gainsbourg se font sentir. Surtout, les refrains sont ici des solos qui oscillent entre l'intéressante guitare et le diabolique saxophone. Titre grandiose au possible, ce morceau reste un de mes préférés du grand Serge. Que voulez-vous ? Cette musique est diabolique.


Un album efficace, qui témoigne du génie encore présent de Gainsbourg, qui ne s'interdit rien et ose tout, aussi bien sur le plan des paroles, des thématiques que de la composition. Love on the Beat ne s'écoute pas en boucle comme d'autres disques de Gainsbourg, mais il propose un voyage intense. Attention, le gourdin est de sorti !

mavhoc
9
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le 10 mai 2018

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