Nespithe
7.7
Nespithe

Album de Demilich (1993)

C’est d’abord sous le nom très commun de Deformity qu’apparaît le trio composé d’Antti Boman, Mikko Virnes et Jussi Teräsvirta à Kuopio en Finlande au tout début des années quatre-vingt-dix.
Boman, en s’inspirant de l’univers de Donjons & Dragons, rebaptise le groupe Demilich (plus original, mais toujours pas terrible selon lui).
Le combo, alors assez ignorant de ce qui se faisait à l’époque en matière de metal extrême (Demigod, Abhorrence, Convulse, Sentenced étaient déjà actifs dans d’autres coins de la Finlande), décide de s’orienter vers le death metal avec une approche très technique.
Antti Boman tente de reproduire les prouesses vocales de ses idoles de chez Carcass, Entombed et Pestilence/Asphyx (respectivement Jeff Walker, Lars-Göran Petrov et Martin van Drunen), mais finit par se lancer dans un registre qui lui est propre et demeure à ce jour complètement unique ; tant et si bien que des personnes se demandent encore aujourd’hui s’il n’utilise pas d’effets pour obtenir un résultat aussi hallucinant (à part un peu de reverb, que dalle !).
Sur le plan des paroles, Demilich reste dans un premier temps rattaché aux concepts gore traditionnels du death metal ; pour peu à peu se les approprier et les mettre en scène dans des environnements plus atypiques : l’espace, des dimensions parallèles où les lois de la physique ne s’appliquent plus. Chaque titre de Nespithe est en fait une petite nouvelle écrite par Boman, qui reste très attaché au storytelling dans sa manière d’écrire.
On remarquera également qu’il ne manque pas d’humour : outre le titre inversé de la démo The Echo, Nespithe est un anagrame de « The Spine » et Erecshyrinol de « No Lyrics Here » (ne cherchez donc pas à savoir ce qui s’y dit…).


Tout ce travail conceptuel va de paire avec la musique de Demilich, qui passe d’un death brutal assez générique à ses débuts à un death complètement barré, aux rythmiques parfois difficiles à suivre et aux riffs torturés et s’écartant de toute forme de linéarité.
Vu la faible accessibilité du produit, Demilich ne parvient pas à décrocher un contrat chez les très convoités Earache comme souhaité. C’est la petite structure Necropolis qui s’intéresse au groupe à l’écoute de leurs démos (tout comme deux autres groupes finlandais, Archgoat et Beherit).
Pour l’album Nespithe, Demilich reprend les titres de ses précédentes démos, très peu diffusées à l’époque, et l’enregistre avec l’ingénieur Savonlinnan Studiopalvelu en six jours, avec un résultat à la hauteur de leurs espérances.


Contre toute attente, le groupe ne se préoccupe pas spécialement de l’accueil de l’album à sa sortie et délaisse progressivement le metal, puis la musique en général sans séparation officielle.


Histoire étrange, s’il en est.
N’empêche que Nespithe est un oeuvre fascinante –ou insupportable- à plus d’un titre, complètement inédite et pourtant constituée d’éléments classiquement death metal.
L’ambiance est unique, tout comme la voix d’Antti Boman qui déroute encore des initiés, plus de vingt ans après.
Un véritable bijou de death technique avant l’heure, plus atypique que réellement avant-gardiste ou visionnaire ; mais un bijou quand même.
Certainement à mettre en tête de liste de oeuvres finlandaises sortant de l’ordinaire comme Yeah de Xysma ou Fresco Lungs de Phlegethon.

Man_Gaut
8
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le 10 sept. 2015

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3 j'aime

Man Gaut

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