L'évolution musicale de Nick Cave entamée avec The Good son et apparemment parachevée en beauté il y a trois ans avec The Boatman's call touche à son terme. Désormais, il ne reste plus la moindre broussaille blues à sarcler, ni la plus petite pierraille country pour faire boiter des chansons où seules quelques gorgées de gospel viennent rappeler tout ce que Nick Cave doit à l'Amérique des tripots, des pénitenciers et des temples. En remplaçant les cadences castagneuses de musiques délinquantes par les rythmes péroreurs du prêche, Nick Cave s'est mis en ménage avec une muse aussi volubile que vertueuse. D'où, face à une pléthore de chansons bavardes et pianotées sur un tempo pantouflard, soupçon de redondance ? et comparution immédiate du songwriter Nick Cave devant le tribunal des flagrants délayages. Si, sur le terrain du mélo, Nick Cave fait un formidable bonimenteur, trop d'effusions écumeuses finissent par noyer l'émotion. Reste heureusement à No more shall we part une paire d'armes secrètes, nommées humour et impertinence. En invitant Kate et Anna McGarrigle, Nick Cave s'offre des harmonies affriolantes, capable d'instiller une malicieuse effervescence dans la plus plate des eaux bénites. (Inrocks)
Nick Cave vieillit tranquille. On s'en doutait depuis un moment. Comme The Boat-man's Call, No More Shall We Part est le disque sans fard d'un artiste concentré sur l'essentiel, qui renonce une fois de plus à rejouer pour la galerie un personnage de héros destroy qui ne lui sied plus depuis longtemps. Toujours moins de meurtres, toujours plus de ballades. Accompagnateurs dévoués et irréprochables, les Bad Seeds savent se faire discrets, dans un contexte où ils doivent souvent céder la place à des arrangements dépouillés pour piano, cordes et voix. Et, en matière de dépouillement, les deux premiers titres de No More Shall We Part sont peut-être les deux meilleurs jamais enregistrés par Cave. Deux bijoux à ranger au côté de ces Watching Alice et The Ship Song qui ont fait sa réputation. Mais il y a plus troublant. Nick Cave vieillit aussi mystique. Comme ses idoles : Leonard Cohen, Johnny Cash ou Van Morrison. En matière de références, on pourrait certes trouver pire. Mais, à la lecture des titres de ce onzième album, il faut bien avouer qu'on tremble un peu. God Is In The House, Oh My Lord, Hallelujah : on se dit qu'à force de grenouiller dans les bénitiers, il va finir par glisser quelques crapauds dans ses gemmes. On est vite rassuré. Même s'il n'est plus tout à fait le pasteur psychopathe de La Nuit Du Chasseur, Cave n'est pas encore un prêcheur ravi de la crèche, venu pour nous jouer Jésus Revient. Et si les images bibliques sont omniprésentes dans No More Shall We Part, elles servent le plus souvent de prétexte à l'expression des tourments d'une âme que l'âge et l'amour ne sont toujours pas parvenus à apaiser. Rien n'a changé, depuis Tupelo. Le Dieu de Cave apparaît toujours dans un ciel chargé de nuages noirs et épais, annonciateurs de châtiments et non de béatitude. Et quand il répand sur le sol un manteau de neige immaculée, symbole de pureté retrouvée (Fifteen Feet Of Pure White Snow), c'est pour mieux recouvrir des cadavres mal enfouis. Finalement, plus serein mais toujours inquiétant, Nick Cave vieillit bien. (Magic)