Animal Collective continue de faire ce qu'il sait faire depuis deux ou trois albums, tout en peinant à se renouveler : un délire psychédélique moderne, bien dans l'air du temps, ou les guitares semblent être vues comme quelque chose de trop obsolète pour leur procession cosmique, futuriste et hallucinée, véritable transe musicale d'excitation extrême commençant ici par l'entêtant « Floridada » qui grave dans l'esprit de l'auditeur son refrain naïf et enfantin, très orienté « joie de vivre » (trop?), mijoté comme un morceau des Beach Boys, avec ses choeurs masculins bienheureux à l'unisson, suraigus, mémorables, optimistes (par moments presque pompeux et sirupeux) sur une rythmique tribale. « Hocus Pocus », véritable cathédrale sonore, a tout du laboratoire électronique fait de sons bizarroïdes et psychédéliques, mais en terme d'expérimentation, n'est rien à côté de « vertical », enchevêtrement des voix du groupe superposées indéfiniment en de multiples strates délirantes, accompagnées de sons de synthétiseurs difficiles à percevoir dans le brouhaha sonore du morceau, véritable panier garnis de tous les sons les plus saugrenus qui soient, plein de cette euphorie communicative propre au groupe. On respire à peine, tant l'intégralité des pistes semblent exploitées à foison, donnant cette impression de compression corrélée à un manque d'oxygène.


La musique d'Animal Collective, pour certains (j'en fais partie), c'est comme les agrumes, c'est très fort en acidité : c'est bon mais il ne faut pas trop en prendre, au risque d'en être écœuré.


Par moments, le groupe semble s’essouffler, tant les pistes sont saturées et pleines, sans calme, sans respiration, à l'image du pourtant réussi « *Lying In The Grass* », qui peut même faire penser à une forme de réchauffé, tant le morceau peut évoquer, par sa structure, certains titres des derniers opus précédents cet album.    
Le cacophonique « *The Burglars* » peut vite fatiguer par ses voix rapides, accélérées à l'extrême, proche de l'exercice de style, mais, tout comme « *Lying In The Grass* » et surtout « *Natural Selection* », ils sont emblématiques de l'identité sonore du groupe. « *Bagels In Kiev* » possède ce petit groove électro qui peut amener l'auditeur à bouger sa tête.

Que dire d'autre?


Qu'il est très difficile de différencier les chansons, tant elle se ressemblent dans leurs formes, leurs structures, leurs mélodies. Qu'il est possible de regretter une autre époque du groupe, les albums « Feels » et « Sung Tongs » en tête (où les guitares étaient encore perceptibles!), mais qu'on ne peut nier l'évolution musicale assumée du groupe, sur des horizons électro riches et variés.


"Painting With" reste un bon album, assez solide, qui ne fera pas tâche dans la discographie du groupe, mais on sent qu'il est temps de passer à autre chose. Je crois bien qu'au prochain disque du même acabit, je serai beaucoup moins intransigeant.

Créée

le 28 mars 2016

Critique lue 208 fois

Errol 'Gardner

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