Minor Lazer

Que reste-t-il de Major Lazer ? Si le projet n'a jamais fait l'unanimité, il était pour moi au départ un bel hommage aux sonorités caribéennes initié par les célèbres produteurs Diplo & Switch. Le premier opus réunissait nombre de stars/légendes jamaïcaines : Mr. Vegas, Vybz Kartel, T.O.K., etc... et les faisait souvent rencontrer des stars internationales en devenir, notamment un Bruno Mars qui n'avait pas encore la notoriété qu'il a aujourd'hui et les protégés des deux producteurs comme la toujours excellente Santigold ou encore Mapei, qui a depuis sorti un très sympathique album malheureusement passé assez inaperçu.

Pas forcément destiné à devenir pérenne, étant plutôt un "side project" au départ, l'album rencontre un certain succès chez les amateurs du genre. En tout cas suffisamment pour que des EP (la plupart du temps de qualité moyenne) et un second opus paraisse finalement quatre ans après la naissance du projet, mais cette fois sans Switch. Avec quelques touches pop supplémentaires, notamment par la présence d'artistes comme Ezra Koenig sur le magnifique titre Jessica qui tourne encore régulièrement sur mon lecteur, c'était à mon sens une nouvelle réussite. Peut-être plus accessible, mais restant largement respectueux de ses inspirations.

Et là... C'est le drame! Alors que le projet avait un certain succès mais restant tout de même de l'ordre de l'estime, le titre Watch Out For This [Bumaye] se retrouve propulsé tube de l'été un peu partout dans le monde. Et loin de moi l'idée de penser que succès rime nécessairement avec nivellement artistique vers le bas, mais cette fois c'est le cas. Qui plus est, autant j'aime beaucoup Diplo sur nombre de ses sorties et/ou productions, autant dès lors qu'il touche au mainstream il devient rapidement insupportable, cf. par exemple le dernier album de Madonna dont il était un des principaux coupables.

Tout juste deux ans ont passé quand arrive donc ce troisième épisode nommé Peace Is The Mission, et précédé une fois de plus d'un EP assez dispensable, pointe le bout de son boule.
A vrai dire, avant de découvrir cette sortie que je n'attendais pas aussi tôt, j'avais déjà entendu quelques fois le très dansant Lean On sans pour autant faire la relation avec Major Lazer. Tout au plus j'aurais pu y voir un ersatz. Et c'est bien là le problème : je ne reconnais plus le projet sur les deux tiers des titres (et vu qu'il n'y a que 9 en tout...). Major Lazer s'est transformé en compilation pop à laquelle on adjoint quelques sonorités venues de Jamaïque parce qu'il faut bien en justifier le nom un minimum.
Bien sûr, il y a quand même aussi un digne successeur au tube de l'été : cette fois il s'appelle Too Original, porte bien mal son nom mais s'avère redoutablement efficace, je ne peux dire le contraire. Au rayon hit potentiel, on peut aussi citer Be Together, tout à fait réussi dans son genre mais n'a pas grand chose à faire ici pour autant.

Peut-on se consoler avec les invités ? Même pas... Ariana Grande, Ellie Goulding, Elliphant, WIld Belle et quelques rappeurs à la mode. Major Lazer a toujours connu la présence d'invités un peu décalés comme évoqué plus haut avec Ezra Koenig, mais ils étaient là en soutien et/ou collaborations avec des artistes dancehall, dubstep ou plus posément reggae. Là on retrouve quelques rares spécialistes comme Mad Cobra mais largement minoritaires sur l'ensemble et il n'y a plus de réelle tête d'affiche. C'est bien dommage parce que le concept y perd une bonne part de son essence.

En somme, voici un album pop-dance qui ne peut que fonctionner au vue du nombre de singles potentiels, mais reste sans idée, ne se renouvelle en rien et se contente de surfer sur la vague du succès alors qu'il aurait pu être l'occasion d'attirer un nouveau public vers le Dancehall, genre lui-même de plus en plus en décrépitude ces dernières années, bouffé par des sons dance bas de gamme. Tout un symbole quelque part.