Pentagram
7.6
Pentagram

Album de Pentagram (1984)

Parmi l'orgie des indénombrables enfants spirituels du grand Sabbat Noir, Pentagram est probablement son plus précoce et fidèle héritier. Précoce parce que, malgré la tardive sortie du premier album en 1985, le groupe sillone les routes de l'enfer à partir de 1971. Fidèle parce que la démarche artistique du pentagramme inversé poursuit salement celle engagée par Master Of Reality et le Vol. 4. Avec son chanteur plus démoniaque que le diable lui-même en la personne du fascinant Bobby Liebling, le quatuor s'offre une gentille renommée dans l'underground américain au cours des années 70 sans jamais la concrétiser discographiquement. Il enregistre tout de même quelques singles et demos qui ne circuleront que d'une manière tant confidentielle que cabalistique.

En 1975, le climat économique austère et le désintérêt bourru des maisons de disque à leur encontre pousse le groupe vers une constante recherche de mécénat, malheureusement peu fructueuse : malgré l'intérêt sucité auprès de Sandy Pearlman, manager du Blue Öyster Cult alors fraîchement sorti de la production du gigantesque Pampered Menial de Pavlov's Dog, l'enregistrement d'une démo se voit phagocytée par un conflit entre le leader Liebling et l'ami de Pearlman, Murray Krugman. Le désir de se produire grâce à de grands noms entraînera ensuite Pentagram face à Gene Simmons et Paul Stanley de Kiss lors d'un casting qui ne résultera que par le déni total des deux drag-queens, qui, ne trouvant pas assez de personnalité dans l'imagerie du Pentagramme, préfèrent l'ignorer. Logique pour une bande qui aura construit son succès autour de ce que l'on appellera "le marketing du travesti" de se retrouver pantois, voire béotien, lorsqu'elle se retrouve confrontée à de la musique...

L'incertitude planant autour du groupe depuis ses débuts atteint son paroxysme en décembre 1975, alors que Liebling et sa petite amie sont arrêtés par la police. S'ensuivront de nombreux remaniements de personnel, ce jusqu'en 1980, date à laquelle le chanteur fait son retour définitif auprès de ses anciens collaborateurs. De cette date jusqu'en 1985, ils publieront quelques démos sans réel intérêt. En 1985, après 14 ans d'existence, Pentagram version 2.0 publie son premier LP, éponyme, mélange entre d'anciennes chansons de la décennie précédente et de nouvelles compositions. D'un anachronisme moderniste, l'album sera ignoré des médias et du public jusqu'en 1993, date à laquelle le label Peaceville Records, entraîné par la vague doom de l'époque, décide de ressortir l'album sous le nom de Relentless.

Le nez fin, Peaceville Records vient de mettre la main sur un album qui deviendra dès lors culte au sein du milieu doom, faisant de Pentagram un des plus mystérieux pionniers du genre. Dans Relentless, il est aussi bien question de doom que de heavy metal. Entre le jeu plombé du guitariste Victor Griffin, les battements appuyés de Joe Hasselvander, la basse de Martin Sweaney, peu perceptible mais indispensable à la lourdeur ici cultivée, et le chant possédé de Bobby Liebling : tout dans ces onze titres semble tout droit sorti des profondeurs infernales. Cette impression méphistophélique se voit d'ailleurs renforcée par la production, aussi encrassée et poussiéreuse qu'un vieux Arzachel, dont elle emprunte également le mysticisme sombre et malveillant.

Le tout, même si inégal et loin d'être révolutionnaire, fournit ses moments de joie comme le titre introductif, "Death Row". Façonné pour la communion en live, il reste dans la plus pure tradition heavy, se démarquant, comme sur l'ensemble de l'album, des concurrents de St Vitus grâce à sa ryhtmique plus rapide et directe, ses soli sabbathiens période Heaven and Hell et son chant moins caricatural que celui – non moins louable - de Wino. Il en va de même pour "Sign Of the Wolf", à la ligne de chant plus enjouée, "Relentless" et ses riffs mémorables et la très seventies "20 Buck Spin". Le reste de l'album, quoique sympathique, manque encore de maturité, d'homogénéité dans la production et d'hétérogénéité dans les mélodies.

Mais après tout, qu"importe. Pentagram a enfin réussi à sortir un album, lequel se révèle fort prometteur...
BenoitBayl
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le 5 déc. 2013

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Benoit Baylé

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