Post‐War
7.2
Post‐War

Album de M. Ward (2006)

Porter des fringues de créateur en buvant des coupes de champagne millésimé, ce songwriter country-folk américain n'en a jamais eu rien à faire. Son truc à lui, ce serait plutôt regarder en arrière et travailler la nostalgie, la mémoire comme une matière, une couleur. Son précédent album, intitulé Transistor Radio (2004), était ainsi une ode à l'époque de la naissance des premières radios transistors, à la fin des années 40. Composer des chansons éternelles, qui traverseront les ans et pourront marquer les esprits autant que celles de Roy Orbison, Johnny Cash ou The Everly Brothers, avec lesquelles, adolescent californien, il a appris à jouer de la guitare. Voilà le dessein poursuivi par ce proche d'Howie Gelb, Giant Sand, Grandaddy ou Cat Power (ils l'ont tous invité à partager leurs tournées), qui a fait ses débuts au sein du trio rock Rodriguez, avant de se lancer en solo. L'éternité, en quatre albums (son premier End of Amnesia date de 2001) qui malaxent la country, la surf-music, le folk ou encore le honky-tonk, M. Ward l'a souvent retrouvée. Il suffit de penser un instant à la superbe Sad, Sad Song, un des joyaux d'un de ses plus beaux albums à ce jour, l'immense Transfiguration of Vincent ; ou de fredonner, toujours sur le même album, sa version décharnée, susurrée et mélancolique du Let's Dance de Bowie. Pour parler de son superbe nouvel album, Post-War, qu'il a enregistré pendant dix-huit mois, il montre ainsi un dessin. J'ai fait une carte , explique-t-il, en tendant la feuille blanche devant lui. Comme en cours de maths d'école élémentaire, lorsqu'on se familiarisait avec la théorie des ensembles vides, trois patates s'entrecroisent, assorties des légendes suivantes : le fantôme du temps, la musique, la guerre.Post-War est un titre suffisamment polysémique pour donner lieu à de multiples interprétations et ouvrir les imaginaires.A l'écoute du magistral titre d'ouverture Poison Cup, on pencherait pour un combat intime, un ravage sentimental, une passion folle. Beau comme le Blue Bayou de Roy Orbison (encore lui), lacéré par un violoncelle et une guitare espagnole, le titre tire les larmes dès les premières notes. Comme souvent avec M. Ward, on est, dès la première écoute, envahi d'un sentiment de familiarité. Mais comme toujours avec lui, on a immédiatement envie de les réentendre, encore et encore, de tenter de comprendre comment autant d'émotion et de bonheur peuvent naître de formes qui semblent aussi usées. Le reste de l'album, de la superbe reprise du To Go Home de Daniel Johnston en passant par le classique rock Right in the Head ou la pourfendeuse de grands espaces Neptune s Net (qui évoque Calexico), frise le sans-faute et devrait lui assurer la reconnaissance qu'il mérite.(Inrocks)


M. Ward est un type écœurant. Transfiguration Of Vincent (2003) et Transistor Radio (2005), ses deux précédents efforts, l’avaient vu placer la barre très haute, confirmant à plus d’un titre son statut de plus beau fleuron du songwriting à l’américaine. Discret chantre de la culture musicale de son pays, il s’y amusait avec une aisance déconcertante à passer en revue sa large palette de styles, entre blues rural, folk pastoral, ballades de cabaret et électricité retenue. Son jeu de guitare émerveillait, preuve que virtuosité ne rime pas toujours avec vacuité, et son chant tutoyait bien souvent les étoiles. Post-War débute aujourd’hui sur le merveilleux Poison Cup. Une chanson d’amour baignée de sang et de frustration, deux minutes trente qui laissent l’auditeur littéralement assommé d’émotion. La suite confirme cette stupéfiante entrée en matière, Matt Ward est toujours aussi à son aise pour absorber les genres pour les faire sien. La chanson Post-War est, par exemple, une belle ballade douce et chaleureuse. Plus homogène et accessible que ses disques passés, dans son instrumentation et comme dans sa production, ce nouveau chef-d’œuvre de l’Américain pourrait bien lui offrir la consécration que son talent immense mérite.(Magic)
Que dire d'un nouvel album de Matt Ward qu'on n'ait déjà dit des précédents ? Non pas que le discret Américain refasse toujours le même disque ; simplement, ce "Post-War", sorti chez 4AD pour l'Europe, brille des mêmes qualités qui faisaient de "Transfiguration of Vincent" (2003) et "Transistor Radio" (2005) des compagnons sûrs et durables. On retrouve ici cette même simplicité jamais synonyme de pauvreté stylistique, ce même éclectisme de bon aloi englobant toute l'histoire de la musique américaine, du blues à l'indie-rock, ce même talent pour tirer le meilleur des musiciens amis qu'il invite en studio. Peut-être cet album est-il dans l'ensemble un peu plus rock que les précédents, un peu moins laid-back, moins "dans mon rocking-chair le soir sous la véranda". La production est aussi plus étoffée, comme si le Californien tentait de retrouver avec ses modestes moyens le faste et l'emphase des productions de Phil Spector et autres. Mais cette prise de poids est toute relative : M. Ward ne vise toujours pas les playlists des FM et des stades, il se fiche de vendre des millions d'albums comme les Killers. Au gros son sans âme, il préfère celui d'une Americana rêvée, sans rechercher à tout prix une illusoire authenticité : chacun de ses albums, dominé par son grain de voix à la fois doux et râpeux, son remarquable jeu de guitare en picking et l'écho spectral qui nimbe le tout, est plutôt le reflet de cette terre de mélanges qu'est l'Amérique. Pas de grands messages non plus : chacun verra ce qu'il veut dans ce titre, et sera libre de retenir la sérénité de l'après plutôt que le fracas de la guerre."Transistor Radio" était parsemé de reprises qui, de Bach aux Beach Boys, dessinaient une sorte de généalogie sentimentale. Ici, Ward n'en interprète qu'une, moins inattendue mais tout aussi belle : une version habitée de "To Go Home", chanson écrite par l'une de ses idoles, le grand Daniel Johnston. Neko Case, conviée à joindre sa voix à la sienne, nous prouve une fois de plus qu'elle n'est jamais aussi convaincante que dans l'exercice du duo mixte. Autres invités de marque, le multi-instrumentiste Mike Mogis (Lullaby For The Working Class, Bright Eyes...), et Jim James, leader de My Morning Jacket, qu'on retrouve à la guitare sur le bref et très sixties "Magic Trick", sorte de faux live dans l'esprit du "So You Want to Be a Rock'n'roll Star" des Byrds. Si M. Ward s'avère très à l'aise dans ces morceaux rythmés et bruts de décoffrage, c'est encore et toujours sur les ballades qu'il brille le plus, d'autant que celles-ci bénéficient du son moelleux qui leur faisait un peu défaut jusqu'ici. Là, comme Tom Waits, il réussit à bouleverser par une simple inflexion de voix : la marque des très grands. (Popnews)
bisca
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le 6 avr. 2022

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