Road
6.1
Road

Album de Alice Cooper (2023)

They hang me from the gallows and they chop off my head

A la sortie de son album précédent, je me faisais la réflexion que Alice Cooper dans les années 2020 c'était surtout des albums prétextes à lancer des tournées sans fin à travers le monde, que le contenu de l'album importait moins que le plaisir du chanteur à arpenter les routes avec son groupe et rendre heureux des milliers de fans venus admirer leur sorcière préférée. Et bien j'étais loin d'avoir tort !

Road est un album bien particulier puisqu'il célèbre justement la vie d'un groupe sur la route, vous avez suivi, merci. Pour bien marquer le coup, et mettre en valeur la capacité du groupe à jouer live, il est justement enregistré en studio, certes, mais avec le groupe au complet (le même qu'en tournée et non plus une sélection de musiciens différente selon les morceaux, même si on aura droit à des invités) et dans les conditions du live, soit des prises entières, pas d'overdub ni rien de tout ça. Particulier aussi car pour une fois, depuis bien longtemps, il n'est pas livré sous une pochette moche comme le faisait remarquer Thieuthefirst au moment de sa révélation, elle est même plutôt sympathique. Incroyable.

Parlons du groupe alors, ce groupe de scène qu'Alice Cooper souhaite mettre en avant.

On retrouve sur l'album les habitués, Ryan Roxie et sa guitare qui accompagne le Coop depuis plus de vingt ans maintenant, Tommy Henriksen également, fidèle et comparse des Hollywood Vampires et Nita Strauss. Nita Strauss qui succède à Orianthi depuis un moment déjà et qui, après Dick Wagner, poursuit la tradition des guitaristes de haute volée descendant de compositeurs germanophones du XIXe siècle. C'est la deuxième star de l'album aux côtés de notre Alice, il faut bien l'avouer. Glen Sobel, le batteur est un vétéran qui a dû jouer à peu près avec tout le monde, de Rob Halford à Kesha. La basse, enfin, est tenue par l'autre sosie de Wolverine après Danzig, en la personne de Chuck Garric, un autre habitué de la scène auprès d'Alice Cooper. Tout le monde participe à un moment où un autre à l'écriture et tout le monde participe aux chœurs ! Le contrat est respecté à la lettre.

Enfin, il y a quand même un boss, et c'est sur I'm Alice qu'il ouvre la route. Le morceau est exactement ce qu'on attend de lui, une évocation des différentes facettes du méchant d'opérette qu'est Alice Cooper. Musicalement, c'est un vrai pastiche de tout ce qu'à pu produire le groupe et le chanteur dans les années 70, on a du Eigtheen sur le refrain, du Elected (ou Reflected) aussi, du Welcome to My Nightmare et je dois en rater quelques unes au passage. Cet hommage à un alter-ego qui partage sa vie depuis plus de 50 ans marche bien, mais il n'y a pas la moindre surprise. Dans le pire des cas, on peut jouer à une sorte de Où est Charlie ? musical en essayant de reconnaître à quel morceau sont faits les emprunts.

Welcome to the Show est un peu plus musclé dans ses couplets mais se ramollit dans ses refrains, on imagine bien le morceau en ouverture de concert. Malgré les guitares réussies, ce n’est pas avec ce morceau que l’on touchera d’incroyables sommets d’originalité.

On reste bel et bien sur la route avec All Over the World, avec ses cuivres et ses chœurs appuyés. L’ambiance est très proche de ce qu’on avait sur Detroit Stories avec beaucoup plus de profondeur dans la prod ceci dit.

Heureusement Dead Don’t Dance, nous réveille avec son riff et ses guitares proches de Black Sabbath ou Danzig. Ce n’est pourtant pas Nita Strauss qu’il faut complimenter cette fois-ci, mais Kane Roberts, revenu non pas de l’enfer mais bien de Constrictor, Raise Your Fist and Yell et Trash. Son retour inattendu est une jolie surprise ici et sa motivation est perceptible dans ce morceau très réussi.

Go Away est plus drôle, elle met en scène un Alice Cooper poursuivi par une implacable groupie. L’humour typique du chanteur est bien présent, le morceau reste quant à lui très classique dans le genre rock’n’roll bien calibré. Les solos déglingués de la fin sauvent un peu la mise.

Teenage Frankenstein, Feed My Frankenstein et maintenant White Line Frankenstein. C’est le retour du monstre dans la collection de chansons d’Alice Cooper (car oui, comme à chaque fois c’est bien du monstre qu’il s’agit et non pas de son créateur, que voulez-vous). On y voit un personnage accro à… la route, quoique la ligne blanche puisse avoir d’autres interprétations évidemment. Le refrain ressemble étrangement à Cherry Pie de Warrant tandis que les guitares folles embrassent un moment Iron Maiden avant le dernier refrain. Ceci n’est pas très étonnant quand on sait que Nita Strauss est une ancienne membre de Iron Maidens, le tribute band féminin. Sauf que, sauf que, c’est Tom Morello, le vrai, de Rage Against the Machine qui est ici venu prêter de la guitare en guise de mercenaire de haute volée !

Big Boots est un peu bête. On y parle d’une serveuse dotée d’une sacrée paire de bottes rencontrée par le groupe et ayant fait forte impression sur nos personnages. Malgré un côté garage apporté par le piano, ça reste assez inoffensif.

Plus réussi est Rules of the Road où Alice Cooper nous explique comment vivre à fond la vie d’une rock star, tournées, excès et mort à 27 ans inclus aidé de Wayne Kramer des MC5. La deuxième partie, en forme de boogie très ZZ Top et portée par la voix d’un papy Cooper nous dispensant ses conseils avisés est très chouette. Encore une fois, il faut saluer les guitares de nos trois pistoleros malgré une fin un peu longue à venir et répétitive.

The Big Goodbye, œuvre d’un Chuck Garric tatoué jusqu’à l’os, sonne comme la lancée à toute vitesse d’un camion chargé à bloc. Le morceau est le plus lourd de l'album et le plus méchant. Alice Cooper nous rappelle que loin d’être le héros de ses aventures, il en est le vilain.

Quand j’ai lu le titre de Road Rats Forever, je me suis dit que c’était sans doute un clin d'œil au titre présent sur Lace and Whiskey. Et bien pas du tout puisqu’il s’agit d’une reprise pure et simple ! La chanson faisait référence au Rat Pack tout en rendant hommage aux indispensables roadies, elle trouve donc une place toute désignée sur Road. Cette version nettement plus rock s’imagine très bien jouée telle quelle en concert. C’est pourtant assez surprenant de voir émerger de nouveau ce morceau laissé de côté depuis longtemps, et issu d’un album qui n’avait d’ailleurs pas bénéficié de tournée. C’est un peu Road Rats la Revanche.

Normalement, si vous savez comment ça se passe, vous devez savoir ce qui devrait arriver à ce moment de l’album.

Allez.

Si vous êtes si forts, dites-le moi.

La ballade contractuelle ?

Gagné, vous êtes les meilleurs.

Baby Please Don’t Go remplit cette tâche inévitable depuis Only Women Bleed sans grande inspiration si ce n'est de nous montrer le côté de ceux qui restent quand les autres prennent la route. C’est à peu près tout ce qu’il y a à dire sur le sujet.

Mais 100 More Miles, son atmosphère sinistre avec sa cloche tragique, sa voix éraillée qui nous présente un Alice Cooper encore une fois très proche d’un coyote qui aurait été victime de son propre piège, vient nous livrer une merveilleuse conclusion. Ce n'est pas très loin de This House is Haunted par exemple. On imagine l’asphalte fumant dans la nuit sur cette fin de route dont on ne sait si elle est bienvenue ou redoutée. Une belle manière de finir ce périple.

Sauf qu’il reste Magic Bus ! La reprise des Who semble échappée des sessions des Hollywood Vampires mais elle donne une occasion à Glen Sobel de s’en donner à coeur joie sur sa batterie, dans l’ombre de Keith Moon.

Lorsque je disais à l’époque de Detroit Stories que j’espérais un meilleur prochain album d’Alice Cooper, je ne savais pas à quoi m’attendre, je dois pourtant reconnaître que ce Road est une bonne surprise. Une bonne surprise sans surprise à vrai dire, il faut admettre qu’à 75 ans, les meilleures années d’Alice Cooper sont sans doute derrière lui. Pour autant, le choix de mettre le groupe au centre de l’album est à la fois judicieux et louable. On y sent un Coop très motivé, toujours aussi irrésistiblement sympathique et on a l’impression de le sentir mieux respirer grâce à ce concept. Aucune révolution mais de bons moments, des invités de marque et un groupe au top, on n’en demande pas plus à un album d’Alice Cooper en 2023. Si en plus il n’y a pas le moindre fondu en fin de chanson, je ne peux qu’être content !


PS : C’est long, et pourtant c’est une version abrégée d’un premier texte dont j’ai dû refaire la rédaction puisqu’il m’avait été au deux tiers effacé au moment de le poster.

Créée

le 31 août 2023

Critique lue 305 fois

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I-Reverend

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