Æ ≠ Autechre

On peut aimer les crêpes au sucre, le chocolat chaud au miel et à la cannelle, tout en écoutant du black métal en dépeçant des bébés hamsters le vendredi soir dans sa chambre. Tout est question de point de vue et de contexte. Parfois, il est de bon ton de se retrouver en harmonie avec soi même, lové dans une sensation de réconfort maternel, histoire de ne pas finir psychopathe comme le Joker en hurlant sur la méchante société parce qu’on souffre d’un manque affectif. Voici exactement pourquoi je suis capable d'apprécier ce genre d'album autant que d'autres diamétralement opposés.

Si d’apparence, elle n’a hérité du groupe anglais Autechre que du caractère rarement utilisé «Æ», TESSÆ propose en réalité une musique relativement riche en inspiration électronique et R'n'B. Elle ne se considère pas comme rappeuse et du monde du rap (à raison), mais a bénéficié du soutien de Booba il y a quelques années et ce n’est évidemment pas une bouteille à la mer pour gagner en visibilité.

Peu de codes sont bouleversés sur les tubes, mais on est sur un album qui relève un peu le niveau de la chanson pop francophone actuelle. Certains morceaux nous mettent carrément hors du temps comme le magnifique « Gravé » qui s’enchaîne d’ailleurs avec perfection sur la suite. Je peux comparer Tessæ à Angèle, pour l’impact et pour donner une piste de départ à des gens fans d'Angèle qui voudrait découvrir autre chose. Mais ici, il n’y a pas photo, la production musicale est bien plus raffinée, inspirée et riche. Les textes qui s’adressent globalement au même public ne dérogent pas à la règle. Ils sont écrits avec une allégresse tout de même moins charcutière qu’une abomination du genre « Balance ton quoi ». Tout est moins aseptisé et avec une vraie place laissée aux sons et aux inspirations, sans que l’ensemble vocal ne soit matraqué d’effets dont on ne peut plus prononcer le nom, ou dans un abus d’accroches récurrentes qui feront que tout l’album deviendra avec le temps un tube inaudible.

L’album Sérendipité, ne troublera pas les plus timides par des nouveautés qu’ils n’étaient pas prêts à entendre. Mais il n’ennuiera pas les plus tolérants des gens aux goûts relativement pointus. De plus, il aura au moins l’intérêt de titiller d’avantage ceux qui écoutent peu de musique et se contentent, sans reproche, d’apprécier ce qu’on leur donne.

Le voyage proposé dans cet album qu’on peut qualifier de « Future R’n’B » touche à la chanson française dans ce qu’elle a de plus évident, mais musicalement les accents Dream Pop, Synthpop, Darkwave, Trip-Hop, Electro, voir carrément post-rock sont vraiment bienvenus et permettent aux plus réticents de passer un bon moment. On voudrait parfois transformer certains morceaux en gros remix Gabber vu les quelques kicks 90’s bien crades subtilement utilisés.

D’ailleurs, la subtilité est peut-être bien ce qui ressort de cet album qui justement échappe à la vulgarité ambiante qui condamne un peu trop la chaîne musicale actuelle sous couvert d’un second degré. Ici, comment en vouloir à quelque chose d’aussi choupi…

Ces artistes, nous permettent d’apaiser les tensions d’un monde tout aussi abominable que naïf. Les ados ont quand-même plutôt tendance à vouloir un monde fait de respect et de joie, plutôt qu’à hurler au chaos et à la destruction.

Alors c’est idéaliste, mais ça fait du bien parfois de voir le sourire des gens de 20 ans qui aiment le travail bien fait, la joie, l’amour, le bien-être et qui sont encore capable de creuser la musique pop, au grand dam de certains vieux cons.