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Les actes progressifs actuels de qualité sont bien trop rares pour ne pas être chéris. Quand ils ne se perdent pas dans une nostalgie ringarde, ils font parfois preuve d’une incapacité à l’inspiration, inspiration qu’ils assimilent faussement à une sorte ésotérisme outrancier, comme si complication impliquait satisfaction. Qu’ils l’apprennent : il ne suffit pas de faire alambiqué pour faire réussi. De fait, parfois, il suffit de faire rassurant. De simplement évoluer en terrain connu, sans aucune autre prétention que celle de faire passer un bon moment. Dans un environnement où l’inventivité se veut de plus en plus clairsemée, trouver la grâce dans la normalité, là réside l’originalité.

Gare néanmoins, et cette remarque s’applique tout particulièrement aux polonais de Riverside, à ne pas métamorphoser normalité en banalité. Personne ne contredira ces mots : il s’agit là de l’archétype du groupe qui n’invente rien. Pour autant, n’apporte-t-il rien ? La méprise est courante, a fortiori parmi la branche élitiste du progressisme (tâtons du pléonasme), laquelle se complait dans la croyance que plus rien n’a été créé depuis Red de King Crimson (1974). Riverside apporte, c’est certain. Il n’y a qu’à observer l’engouement croissant lié à chaque annonce de nouvel ouvrage : en une dizaine d’années, la réputation du quatuor s’est vu grandir de manière exponentielle, allant jusqu’à faire de la sortie de Shrine of New Generation Slaves un évènement de taille parmi la communauté intéressée. Son prédecesseur metallisé Anno Domini High Definition avait eu sa part légitime de dythirambes, logique il est donc de constater que cette glorification induit de nouvelles espérances.

« Celebrity Touch », premier extrait dévoilé en décembre 2012, laissait entrevoir une approche moins synthétisée et plus chaude de l’instrumentalisation. En clair, Riverside statuait son envie d’évolution en abandonnant ambiances éthérées au profit d’une construction plus garnie, plus saturée, moins floydienne. Maintenant que l’ouvrage entier est de sortie, chacun pourra juger de la manœuvre modernisante entamée. La production quelque peu datée des devanciers se voit raffermie, rajeunie. Mais à déringardisation dans un secteur, Riverside a la mauvaise idée de se ringardiser dans un autre, notamment dans l’emploi superfétatoire d’un saxophone à la fin de « Feel Like Falling ». Les fautes de goût ne sont heureusement pas nombreuses, et globalement, il est aisé d’affirmer que SoNGS est à ce jour l’œuvre des polonais la plus ancrée dans son temps.

Paradoxalement, c’est aussi celle qui emprunte le plus au passé. Les influences sont pour la plupart tirées des années 70 : Deep Purple (« Celebrity Touch »), Uriah Heep (« New Generation Slave ») voire même Tangerine Dream (centre de Feel Like Falling », les deux pistes bonus « Night Session »). Mais il y a dans la voix de Mariusz Duda une sérennité, une maturité et une sobriété qui rendent chaque ligne de chant intemporelle. L’homme a la capacité de pousser aux émotions sans les forcer, avec un tact rare, distant et tellement présent à la fois. Assurément, Riverside ne serait pas grand chose sans ce leader polyvalent, tant sur le chant que la basse, jouant de la rythmique avec inventivité et inspiration (« Escalator Shrine »).

Démonstration faite, inutile de préciser combien ce nouvel ouvrage progressif est une fois de plus d’excellente facture, témoignage d’une évolution salvatrice dans un modernisme sensuel. Homogène, cohérent et différent, il confirme à nouveau que l’engouement autour des polonais n’est certainement pas usurpé. La tournée accompagnant la sortie de Shrine of New Generation Slaves fera d’ailleurs, et ce pour la première fois, escale aux Etats-Unis, puis au Hellfest fin juin où, n’en doutons pas, un accueil mérité leur sera manifesté.
BenoitBayl
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le 5 déc. 2013

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Benoit Baylé

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