Smoke
Smoke

Album de Snuffed on Sight (2023)

Ça ne vous aura probablement pas échappé : on assiste depuis quelques années à une surenchère assez stérile de l'ultra-brutalité dans les chapelles les plus extrêmes du hardcore et du metal. Alors que c'était un débat qui semblait dépassé, les groupes de slamming beatdown, brutal death et deathcore se sont relancés dans la compétition de qui aura le tone le plus cradingue et de qui fera le break le plus méchant de l'année. Si on peut identifier les contenders les plus impliqués avec Lorna Shore, Infant Annihilator, Signs of the Swarm, Vulvodynia ou Slaughter to Prevail, soyons parfaitement honnêtes, le concours des plus gros méchants commence à tourner au ridicule et à requestionner la nature même de la brutalité dans ces sphères musicales.


En d'autres termes, après 130 copycats qui multiplient les BPM et les breaks interchangeables, comment concevoir une musique authentiquement violente et qui conserve cette primitivité, cette bestialité qui vous choppe au cou et vous laisse exsangue après un morceau ? Est-ce qu'on a tout vu ou y a-t-il encore la place pour un groupe pertinent parmi l'ultraviolence ? J'aurais eu tendance à répondre "non" il y a quelques mois, mais la réplique est venue à moi en trois mots : Snuffed on Sight.


Quatuor californien formé en 2020, Snuffed on Sight a publié quelques singles, une démo, un EP et a révélé début juillet son premier album, constitué de huit titres et passant à peine au-dessus du quart d'heure. Pas besoin de bien davantage, son contenu est déjà effroyablement charpenté et dodu. Stylistiquement, le groupe se range du côté du slamming beatdown, soit cette frange radicale qui conjugue les chugs étouffés du slam death metal et le goût du break hardcore lourdingue du beatdown. Logique, car les deux scènes approchent leur style mère (le death metal pour l'un et le hardcore pour l'autre) de la même manière : un tempo ralenti, un tone plus sourd et des breaks systématiques. Pas besoin d'être encyclopédiste des musiques extrêmes pour comprendre qu'on se dirige vers une musique à l'agressive stupidité congénitale.


D'ailleurs, l'intro ne nous laisse même pas une seconde avant de nous accueillir avec un pig squeal et un chug chromatique. Le ton du disque est donné, ce sera la foire aux riffs en palm-mute, au chant guttural et aux slams avec une veine sur le bibi. Snuffed on Sight s'amuse à réemployer les codes des scènes dont il provient et multiplie les références : la voix hardcore scandée en appel de mosh, la corne de brume avant un break, la présence récurrente de samples, etc. Il n'est d'ailleurs pas compliqué de remarquer l'érudition musicale des larrons en observant la tracklist et ses featurings, avec les chanteurs de Ingrown, PeelingFlesh, Disfiguring the Goddess ou Vomit Forth. De la même manière, la seule pause du disque, l'interlude « (smoke break) » a été conçue par le producteur hip-hop Deergod qui avait déjà notamment bossé avec le rappeur Bones.


Petit-fils décérébré de Suffocation, Irate et Abnegation, Snuffed on Sight parvient à synthétiser avec précision l'essence de la brutalité du death metal et du hardcore. C'est aussi un groupe qui a su se donner les moyens de ses ambitions. La production est lisible, mais laisse la place à la guitare de dégouliner de jus de viande, et la batterie est impeccablement mixée avec une dominante évidente sur les cymbales et la caisse claire bien clinquante et métallique. Le songwriting n'est pas en reste et l'album réussit le miracle d'avoir un minimum de variété pour rendre l'écoute digeste et constamment amusante. Autant de qualités qui restent rares dans le style et dont il est important de célébrer le soin qui leur a été apporté. Smoke est un disque épais et copieux, mais fantastiquement fun et efficace. Le groupe est au centre de l'attention en ce moment et il vous suffira d'écouter « Slippin » à fond les ballons pour comprendre pourquoi.


Raton
7
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Ramdam et acouphènes : mon 2023 en musique

Créée

le 25 oct. 2023

Critique lue 12 fois

Raton

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