Strange Days
8.1
Strange Days

Album de The Doors (1967)

Avec les Beatles, Pink Floyd, Jimi Hendrix et les 13th Floor Elevators, les Doors figurent parmi les principaux représentants du rock psychédélique qui connaît un essor fulgurant dans la deuxième moitié des années 1960. Ce mouvement est influencé par la consommation de LSD. Et ouvrir les portes de la perception, c’est bien joli, mais ça peut parfois piquer les yeux. Les Doors semblent bien l’avoir compris sur Strange Days.


En effet, les morceaux de leur deuxième album parlent beaucoup d’étrangeté et de perdition. Les ambiances sont inquiétantes, la voix de Jim Morrison blasée, la guitare de Robby Krieger gémissante. Quant aux claviers de Ray Manzarek, ingrédient majeur de l’alchimie des Doors, ils sont globalement moins sautillants que sur l'album précédent mais apportent en même temps un sentiment de clarté qui brouille le jeu de cet album sombre.


Certains morceaux comme « Strange Days » ou « People Are Strange » nous plongent dans un bad trip émotionnel où le poète se place en contempteur du monde incompréhensible qui l’entoure. Ce monde peut cependant révéler des beautés insoupçonnées, à travers la nuit sur « Moonlight Drive », ou la musique sur « When the Music’s Over ». Cette suite de plus de 10 minutes est une formidable mise en abîme du pouvoir musical.


Des morceaux mélodieux comme « You’re Lost Little Girl » ou « Unhappy Girl » sont plus orientés vers les tourments de l’âme humaine. Cette âme n’est pas non plus sans ressources mais elle ne sait pas les exploiter, et s’auto-détruit dans la paresse et la solitude. Elle finira noyée dans la nuit des temps, à l’image des chevaux de « Horse Lattitudes ».


Enfin, des morceaux privilégiant la force brute aux mélodies, comme « Love Me Two Times » ou « My Eyes Have Seen You », sont si enfiévrés qu’ils mettent en relief l’urgence de l’amour dans un monde sans repères. L’amour lui-même finit d’ailleurs par se noyer dans l’indifférence généralisée, comme sur « I Can’t See Your Face in my Mind ».


Sartre nous l’a enseigné : chez l’Homme, l’existence précède l’essence. Jim Morrison en tire les conséquences et explore notre condition commune à travers ses poèmes dépressifs qui, mis en musique, baignent dans un mystère doté d’une force vitale inouïe.

Créée

le 27 août 2018

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